La journée de terrain type d’un géologue

Texte et photos de Vivien Cumming – @drvivcumming

Pour ce billet, nous avons pensé vous donner une idée de ce que peut être une journée de recherche géologique dans l’Arctique. Bien sûr, les choses varient d’une journée à l’autre, mais voici tout de même un exemple.

7 h 02 Mon réveil sonne. Dehors, il fait déjà grand jour.

7 h 26 « C’est prêt! » L’appel du déjeuner est lancé. Il faut se lever, ouvrir son douillet sac de couchage à l’air tonifiant de l’Arctique, s’habiller.

7 h 33 Déjeuner : café, thé, œufs et bacon, avec gruau ou quelque autre bon plat que nous ont concocté nos fabuleux guides de canot-camping; parfois, ô bonheur, ils nous servent des brioches à la cannelle!

Du pain frais bien nourrissant.
Photo 1 : Du pain frais bien nourrissant.

8 h 11 Encore un peu de café.

8 h 17 Commencent les allées et venues pour les besoins naturels : on emporte la pelle, on creuse un trou, on fait ce qu’on a à faire.

8 h 34 Nous remplissons les sacs de notre matériel de terrain : impers, vêtements chauds, appareils-photo, calepins, marteaux brise-roche, sacs à échantillons, trousses de premiers soins, gaz poivré et avertisseurs sonores pour les ours, fusées éclairantes, couvertures de secours, ordinateurs de terrain. Avec en plus le repas du midi et un mélange montagnard, nous sommes prêts à affronter la nature.

9 h 13 Nous partons. Comme les roches qui nous intéressent sont généralement dans les collines et que nous campons sur la rivière, nous avons quelques kilomètres de marche à faire dans la forêt et les tourbières, harcelés par les moustiques, avant de parvenir à destination.

10 h 56 Nous parvenons à notre premier affleurement rocheux. Aujourd’hui, nous échantillonnons les couches de lave qui composent les collines. Les jours précédents, nous avons étudié des structures sédimentaires laissées par d’anciennes rivières et nous avons ramassé des cherts, roches sédimentaires riches en matière organique qui pourraient recéler des traces de vie primitive.

Dans la grande nature sac au dos.
Photo 2 - Dans la grande nature sac au dos.

11 h 07 Tom Skulski sort sa loupe de terrain pour examiner les cristaux des roches afin d’en déterminer la composition.

11 h 23 Nous échantillonnons la partie centrale d’une coulée de lave. Le centre d’une coulée se trouve là où le sol rocheux présente le moins de « vacuoles » -- des cavités produites par des bulles gazeuses qui, remontant dans la lave, sont restées piégées par son refroidissement.

11 h 33 Une fois nos échantillons recueillis, nous entrons les coordonnées GPS du lieu dans un ordinateur de terrain. Nous pourrons ainsi dresser une carte géo-topographique qui nous permettra d’évaluer combien de coulées il nous reste à échantillonner et de visualiser la répartition géographique de ce que nous avons prélevé déjà.

12 h 49 Nous venons d’échantillonner trois autres coulées laviques et nous sommes maintenant au sommet de la colline. Nous nous arrêtons pour manger, le regard embrassant un immense coude dans la Coppermine, justement nommé « Big Bend ».

13 h 19 Le retraçage d’une coulée à travers une vaste vallée glaciaire jusqu’à une autre colline nous donne à penser qu’il y a d’autres coulées à échantillonner.

11 h 31 Étienne Girard lance un minuscule hélicoptère téléguidé pour prendre des photos tridimensionnelles haute résolution des coulées, ce qui nous aidera à en reconstituer les conduits originels.

13 h 45 Étienne fait voler le drone à l’arrière d’une crête pour voir s’il y a d’autres coulées de l’autre côté.

Regard sur la Coppermine
Photo 3 - Regard sur la Coppermine

14 h 12 Il y en a bel et bien. Nous remballons le drone, déposons les échantillons déjà recueillis dans un grand sac blanc que nous ramasserons au retour, et nous traversons la vallée en retraçant d’autres coulées.

16 h 34 Après avoir échantillonné toutes les coulées qui nous ont menés au sommet de la colline, nous faisons un arrêt pour contempler la Coppermine qui serpente au loin.

16 h 47 Une rapide collation et nous prenons le long chemin du retour. Au fil de nos pas, nous recueillons de nouveaux échantillons tout en guettant les signes de vie autour de nous… y compris les moustiques auxquels nous tentons d’échapper!

19 h 04 Nous sommes de retour au camp, fatigués de notre longue marche.

19 h 14 Courtes ablutions dans l’eau glacée – rien de tel pour se remettre d’une longue journée de terrain./p>

19 h 37 Le souper est prêt. Nos guides, Jess, Chris, Dylan et John, méritent nos remerciements pour leur incroyable cuisine, si ingénieuse! Tous nous sommes d’accord pour dire que nous n’avons jamais si bien mangé sur le terrain. Un rôti de bœuf préparé au faitout l’emporte, et de loin, sur les aliments de camping lyophilisés!

La vie de camp.
Photo 4 - La vie de camp.

20 h 49 On prend des notes, on enregistre, on entre les points GPS dans les ordinateurs de terrain, on étudie les cartes géologiques pour trouver notre prochaine cible. Quelques parties de scrabble ou de cartes se jouent.

22 h 11 Nous nous préparons pour le coucher. Avec la lumière estivale toujours présente dans l’Arctique, il est difficile de savoir quand tombe la nuit, mais une longue journée de terrain suffit à vous faire basculer dans le sommeil.

Ceci donne une idée d’une journée de travail de terrain, mais chaque jour est différent et chaque type de roche exige différentes approches.