La prospection sismique multicanaux à bord du navire océanographique (NO) Araon

L’objectif premier de notre programme de recherche est d’en arriver à mieux connaître la géologie de la sous-surface et la répartition du pergélisol et des hydrates de gaz. Nous espérons pouvoir quantifier la présence en profondeur et la fuite de méthane et autres fluides afin de comprendre l’instabilité sédimentaire, qu’elle tienne aux glissements de terrain ou aux fluides.

Pour répondre à cette question scientifique, la méthode géophysique de choix est la sismique-réflexion marine : une énergie acoustique contrôlée est transmise à travers l’eau dans le plancher océanique, puis l’énergie réfléchie par les différentes couches sous-jacentes à la surface sédimentaire du plancher est enregistrée.

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Figure 1 : Diagramme du NO Araon remorquant le matériel de sismique multicanaux.

L’acquisition de données sismiques est fonction de la production d’ondes de pression sismiques (aussi dites acoustiques). Des appareils appelés canons à air libèrent de l’air comprimé dans l’eau pour produire une onde sismique. Cette onde descend jusqu’au fond et pénètre le sédiment. Une partie de l’énergie sismique est réfléchie de la partie supérieure de l’une ou l’autre des couches sous-jacentes et revient à la surface où elle est enregistrée par des appareils d’écoute appelés hydrophones. Ces hydrophones sont disposés dans une flûte remorquée par le navire. La flûte de l’Araon, d’une longueur de 1,5 kilomètre, est remorquée à 6 mètres sous la surface de l’eau. Pendant les levés, nous nous déplaçons à une vitesse d’environ 8 km/h (5 nœuds).

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Figure 2 : La flûte du système de sismique multicanaux est déployée du pont arrière du Araon.

Durant notre expédition, nous utiliserons une grappe de canons à air comprimé à raison de 420 pouces cubes de volume. Cette grappe convient particulièrement à la production d’une image des différentes couches du plancher océanique, jusqu’à une profondeur d’à peu près 1 000 mètres. Cette configuration sismique diffère de celle des programmes de prospection des gisements d'hydrocarbures de l’industrie du pétrole et du gaz : ces programmes, en effet, utilisent des volumes d’air comprimé (énergie) beaucoup plus élevés et peuvent imager le sous-sol océanique jusqu’à des kilomètres de profondeur.

Nous consacrons cinq jours de notre programme de recherche à des levés sismiques menés le long de lignes de levés d’intérêt spécifique. Bon nombre de ces lignes auront pour cibles des éléments et des zones dont nous connaissons l’existence, mais dont l’interprétation des origines nécessiterait de meilleures données; d’autres lignes combleront quelques lacunes dans un territoire à peu près inexploré. Nous comptons collecter des données sismiques le long de 12 à 14 lignes de levé pour une longueur totale d’environ 1 000 kilomètres. Les images sismiques qui en résulteront serviront à évaluer le milieu géologique du plateau continental de la mer de Beaufort et de sa pente, à retracer l’histoire de la sédimentation dans le bassin de Beaufort, de déterminer la présence d’hydrates de gaz et de pergélisol, de comprendre l’histoire glaciologique de la mer de Beaufort et d’évaluer les géorisques liés à l’instabilité des fonds sous-marins et aux glissements de terrain.

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Figure 3: Les scientifiques du KOPRI et de RNCan surveillent en laboratoire l’acquisition de données du système multicanaux.

Pour mener ces recherches, nous avons mis en place un grand nombre de mesures d’atténuation, élaborées en consultation avec Pêches et Océans Canada, afin d’en réduire le plus possible les effets sur l’environnement et, en particulier, durant les levés acoustiques, sur les mammifères marins. C’est ainsi que nous avons à notre bord des observateurs des mammifères marins, dont la tâche consiste à détecter la présence de mammifères dans un rayon de sécurité de 1 000 mètres autour du navire, avant et pendant les levés. L’acquisition de données sismiques ne peut commencer que si cette zone de sécurité est libre de tout mammifère marin depuis une heure. Si un mammifère est observé durant un levé, nous éteignons immédiatement nos canons à air; il appartient ensuite aux observateurs de déterminer le moment où il sera prudent de reprendre les levés.

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Figure 4 : John Ruben, Dale Ruben et Rhonda Reidy, observateurs des mammifères marins, sur le pont de l’Araon.

La mer s’est calmée et depuis peu le soleil est couché. Après le repas du midi, nous avons pu contempler une vue spectaculaire des montagnes enneigées qui entourent la baie Mackenzie au sud, dans les Territoires du Nord-Ouest.

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Figure 5 : Les montagnes enneigées de la baie Mackenzie.