Les polluants en diminution croissante dans l’Arctique

Quatre scientifiques spécialistes de l’Arctique d’Environnement et Changement climatique Canada - Robert Letcher, Birgit Braune, Derek Muir et Marlene Evans - se sont joints à des collègues d’autres nations polaires pour se pencher sur la question des polluants organiques persistants (POP) dans l’Arctique. Leur article, "Temporal trends of persistent organic pollutants in Arctic marine and freshwater biota" (en anglais seulement), a été publié plus tôt cette année dans la revue Science of The Total Environment.

Photo : Descente d'une falaise pour surveiller les polluants qui touchent les colonies d'oiseaux marins de l'Arctique

Descente d'une falaise pour surveiller les polluants qui touchent les colonies d'oiseaux marins de l'Arctique. Photo : Grant Gilchrist

Que sont les POP?

Les POP sont des produits chimiques particulièrement problématiques en raison de leur longue durée de vie et de leur capacité à être transportés sur de longues distances. Ils comprennent notamment l’insecticide dichlorodiphényltrichloréthane (DDT) et les biphényles polychlorés (BPC), des substances produites par des procédés industriels. Au fil du temps, les POP se sont frayé un chemin jusque dans l’Arctique en voyageant dans l’atmosphère et l’océan, entraînant ainsi des répercussions négatives sur les formes de vie arctiques.

Le rapport indique que « les POP sont toujours présents dans l’environnement à des niveaux qui pourraient causer des effets nocifs sur la santé des grands prédateurs se trouvant dans la chaîne alimentaire de l’Arctique. Les êtres humains qui vivent dans l’Arctique et qui consomment de grandes quantités de nourriture traditionnelle issue du niveau trophique supérieur sont exposés aux POP, qui pourraient entraîner des effets néfastes sur la santé. »

Selon Robert Letcher, l’un des auteurs de cette étude, l’élimination des POP « est une tâche monumentale... car ils ont été produits en quantité astronomique au cours du 20e siècle ».

Grâce à la Convention de Stockholm, 28 POP ont été bannis en 2017. Cependant, certains POP bannis depuis les années 1970 sont toujours présents dans l’environnement. De plus, étant donné que le respect de la Convention repose sur une base volontaire, il demeure difficile de contrôler la production de ces produits chimiques.

Les chercheurs ont couvert une vaste superficie pour surveiller les POP. La région étudiée s’étendait d’est en ouest, depuis l’Alaska, aux États-Unis, jusque dans le nord de la Scandinavie. Ils ont examiné plus de mille séries temporelles de données sur les POP concernant ces écosystèmes de l’Arctique.

Qu’ont démontré les résultats?

En résumé, M. Letcher a conclu que les résultats des recherches sont positifs.

Since the 1980s, there has been a decrease in concentration of most POPs in the Arctic. This finding is especially true in the case of HCH (hexachlorocyclohexane), which was used as an insecticide before being phased out in the 1970s in many polar countries, including Canada.

On a observé une diminution de la concentration de la plupart des POP dans l’Arctique depuis les années 1980. Cela est particulièrement vrai dans le cas des hexachlorocyclohexanes (HCH), qui étaient utilisés comme insecticides avant d’être retirés progressivement de nombreux pays nordiques, y compris le Canada, dans les années 1970.

« Un grand nombre de séries temporelles couvrant une immense zone géographique et comprenant différentes matrices démontrent une certaine conformité dans les tendances relatives aux POP. Ces résultats démontrent l’efficacité des contrôles nationaux et internationaux » constatent les auteurs de l’étude.

Dans certains cas, des changements plutôt rapides ont suivi la mise en œuvre de règlements ou de mesures volontaires pour réduire les POP.

Néanmoins, il y a toujours place à l’amélioration.

Par exemple, on a observé une augmentation de la concentration d’hexabromocyclododécane (HBCD) durant cette période. On a également constaté une augmentation de la concentration de certains POP dans des emplacements bien précis, ce qui est largement attribuable aux sources de pollution plus localisées. Par ailleurs, la concentration de certains POP n’a pas diminué aussi rapidement que celle d’autres polluants.

Quelles sont les prochaines étapes?

Les changements climatiques représentent un immense défi sur lequel se penchent continuellement les chercheurs. M. Letcher les décrit comme étant le plus grand facteur de stress dans l’Arctique à l’heure actuelle. Les changements climatiques vont de pair avec les préoccupations relatives aux changements dans les régimes alimentaires des animaux et à la présence de nouvelles espèces envahissantes, ce qui peut signifier que les animaux pourraient être exposés à de nouveaux POP.

Au cours des prochaines années, les chercheurs canadiens et leurs collègues internationaux continueront de surveiller les POP dans l’Arctique afin de compléter leur ensemble de données.

M. Letcher souligne qu’il faut du temps pour déterminer s’il existe une tendance ou non.

« Il faut de nombreuses années pour recueillir suffisamment de données pour observer s’il y a un changement ou non... nous avons besoin de quelques années encore pour créer un ensemble de données suffisant qui nous permettra de tirer les conclusions appropriées sur les changements temporels. »