Séance d'information sur la réponse canadienne à l'éclosion du coronavirus

Discours

Mot d’ouverture

Mme Mona Nemer
Conseillère scientifique en chef du Canada

Séance d'information sur la réponse canadienne à l'éclosion du coronavirus
Comité permanent de la santé (HESA)
Le mardi 19 mai 2020


Merci, Monsieur le Président.

Bonjour à tous. Je vous remercie de me donner l’occasion d’échanger avec vous aujourd’hui. Je tiens également à remercier mes co-témoins pour leurs déclarations et pour tous leurs efforts durant la pandémie.

Partie I – Rôle et mandat

On m’a nommée au poste de conseillère scientifique en chef du Canada le 26 septembre 2017 afin que je fournisse des conseils scientifiques au premier ministre et au Cabinet.

Mon bureau est notamment responsable de veiller à ce que des analyses scientifiques soient prises en compte dans le processus décisionnel du gouvernement et de coordonner les avis formulés par les experts à l’intention du Cabinet. Je fournis également des recommandations sur la manière dont le gouvernement peut mieux soutenir la recherche scientifique de qualité. Mon bureau aide aussi à garantir que les travaux scientifiques du gouvernement soient entièrement accessibles au public. Enfin, j’ai pour mandat de favoriser la collaboration entre les scientifiques fédéraux et le milieu universitaire, au Canada et à l’étranger, et de sensibiliser les Canadiens au sujet de questions scientifiques.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, j’ai eu l’occasion de faire des contributions à tous ces égards. Si vous le permettez, je vous en ferai le résumé.

Partie II – Participation de la CSC à la lutte contre la COVID-19

À partir de février 2020, j’ai mis sur pied un certain nombre de groupes d’experts et de groupes de travail qui nous tiennent au courant des défis cliniques et scientifiques et des pratiques exemplaires de lutte contre la pandémie au Canada.

Je participe également à des efforts de coordination scientifique au sein du gouvernement en ce qui concerne les contre-mesures médicales, et j’ai travaillé avec l’ensemble du milieu des sciences et de la recherche pour soutenir les efforts de coordination.

Avec quelques autres personnes, j’ai aidé à établir le Réseau CanCOVID, une plateforme de recherche pancanadienne visant à favoriser la collaboration relative à la COVID-19. Plus de 2 000 chercheurs sont inscrits à la plateforme CanCOVID, ce qui témoigne de la détermination extraordinaire de la collectivité scientifique canadienne à l’égard de la lutte contre la pandémie.

De plus, je participe aux activités scientifiques et de consultation scientifique internationales relatives à la lutte contre la COVID-19. Depuis deux mois, les conseillers scientifiques en chef ou les titulaires de postes équivalents d’une douzaine de pays tiennent une réunion hebdomadaire. Nous y discutons de la dynamique et des défis changeants de la pandémie ainsi que de l’évolution de ses caractéristiques dans divers pays à divers moments.

Nous échangeons également des données et des renseignements sur les mesures sociales et médicales. Ces interactions représentent d’importantes occasions de coordination de la recherche et des conseils scientifiques.

Un exemple concret de cet effort international est l’appel aux éditeurs que le groupe a fait pour rendre accessibles toutes les publications scientifiques portant sur la COVID-19, appel que les éditeurs ont bien accueilli. Cela fait en sorte que les résultats de recherche sont rapidement communiqués et utilisés pour aider à gérer la pandémie à l’échelle du monde. Il s’agit d’une initiative sans précédent qui contribue à diffuser les données scientifiques à un rythme jamais vu.

Partie III – État de la science en ce qui concerne la COVID-19 et incidences stratégiques

Au cours des derniers mois, nos connaissances sur le nouveau virus SRAS-CoV2 qui cause la COVID-19 ont progressé rapidement, mais il existe toujours de nombreux facteurs inconnus qui influent sur la capacité de prévenir et de gérer la maladie. Parmi ces facteurs, citons les suivants :

Sensibilité à la maladie : Il semble que tous les membres de la population n’ont pas le même risque d’être infectés, mais nous ne savons pas exactement ce qui contribue à la sensibilité à diverses charges virales. La sensibilité a une incidence sur le niveau d’exposition et les mesures de prévention dans divers contextes.

Infectiosité : Les personnes infectées semblent transmettre le virus de deux à trois jours avant l’apparition des symptômes et durant environ sept jours par la suite, ou plus. Cela laisse supposer que le virus est en grande partie transmis par des personnes asymptomatiques, et cette réalité complique davantage l’isolement des cas et la lutte contre la transmission.

Évolution de la maladie : L’âge avancé et les affections chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’obésité ont été liés à la possibilité accrue que la COVID-19 ait une issue défavorable, mais nous ignorons toujours pourquoi.

Nos experts ont souligné la nécessité d’une collecte et d’une diffusion harmonisées de données de qualité afin qu’on puisse éliminer les variables de confusion et utiliser les données d’observation pour éclairer la gestion de la maladie dans le contexte canadien.

Prévention et traitement : En l’absence d’une immunité acquise ou d’un vaccin efficace, la meilleure mesure de prévention consiste à éviter ou à réduire au minimum l’exposition au virus. Des travaux relatifs à un vaccin sont en cours, y compris au Canada, et un large éventail d’approches classiques et nouvelles sont utilisées à cet égard.

En ce qui concerne les traitements, il n’existe actuellement que quelques médicaments antiviraux à large spectre d’action. Plusieurs essais cliniques visant à tester l’efficacité des médicaments existants sont en cours, mais, jusqu’à présent, les résultats sont décevants. Il est important de poursuivre le développement de nouveaux médicaments antiviraux parallèlement aux efforts de production de vaccins. La gestion efficace de l’hépatite C et du VIH grâce aux thérapies antivirales prouve que les médicaments peuvent être une solution viable.

Diagnostic : Le test moléculaire en laboratoire (qPCR) pour détecter les personnes infectées constitue la norme. Le test comporte plusieurs étapes et nécessite un équipement et un personnel spécialisés ainsi que des réactifs très recherchés.

Ce n’est pas la solution idéale pour les régions éloignées ou pour les situations nécessitant un dépistage plus rapide ou répété (par exemple : aux frontières, en contexte de soins primaires ou à la maison, etc.). Le développement de méthodes de détection complémentaires va bon train.

Le test qPCR fournit un instantané de la population infectée à un moment précis. Il est possible de déterminer la prévalence de la maladie (pourcentage de la population qui a déjà été infectée) en mesurant la présence d’anticorps dans le sang.

Le Groupe de travail sur l’immunité a été mis sur pied pour coordonner les efforts pancanadiens en matière de sérologie, ce qui permettra de mieux comprendre l’épidémiologie de la maladie, y compris les taux d’infection et de mortalité. Toutefois, il faudra déterminer, par des recherches rigoureuses, si une exposition antérieure protège contre une infection future.

Partie IV – Perspectives et recommandations

À mesure que les pays vont rouvrir leurs économies au cours des semaines et des mois à venir, la communauté scientifique continuera à rassembler davantage de données pour mieux comprendre à la fois le virus et la maladie qu’il provoque.

Ces efforts sont essentiels pour nous préparer à vivre avec le virus et à le vaincre.

Dans le monde entier, les pays intensifient leurs efforts dans des domaines clés, ce qui comprend :

  1. Déployer des dispositifs robustes et souples pour dépister le virus et rechercher les contacts, ainsi que comprendre le pourcentage de la population ayant été exposé au virus;
  2. Standardiser la collecte de données dans le contexte des tests de la COVID-19 et de la gestion de la santé, ainsi que les protocoles qui entourent le partage et l’extraction des données (notamment l’utilisation d’outils appuyés par l’intelligence artificielle) pour mieux comprendre l’épidémiologie de la maladie et se préparer aux possibles futures vagues;
  3. S’approvisionner suffisamment en équipement médical et en agents thérapeutiques, et développer des stratégies nationales sur la fabrication d’équipement de protection individuelle ainsi que d’outils de diagnostic de la COVID-19 et de contre-mesures médicales;
  4. Renforcer les efforts de recherche et de développement et réfléchir à des approches visant la sécurité sanitaire nationale dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement médicale;
  5. Renforcer l’état de préparation face aux situations d’urgence sanitaire pour ce qui a trait à la fonction de consultation scientifique multidisciplinaire.

Partie V – Conclusion – Regard vers l’avenir

En conclusion, permettez-moi de dire que cette pandémie met en évidence l’extrême importance de la recherche et la nécessité d’instaurer une coordination scientifique entre les disciplines et les secteurs. Elle fait également ressortir le besoin d’avoir une capacité de production nationale pour la sécurité sanitaire.

Nous sommes en train de rattraper notre retard, mais il faut espérer que les investissements et les efforts actuels donneront lieu à un écosystème durable pour la recherche et le développement en matière de maladies infectieuses.

La guerre contre la COVID-19 sera gagnée grâce à la science.

Faisons en sorte de continuer à mobiliser l’excellence du Canada dans le domaine scientifique dans l’intérêt de tous les Canadiens.

Je vous remercie de votre attention.

Je suis impatiente de poursuivre la discussion avec vous.