L’expédition canadienne dans l’Arctique (2016)

Du 20 septembre au 6 octobre 2016

Les billets publiés par Michelle Côté et Scott Dallimore, scientifiques à RNCan, décrivent l’importante recherche scientifique réalisée à bord d’un navire de recherche, le NGCC Sir Wilfrid Laurier. La Commission géologique du Canada de RNCan étudie les risques géologiques marins et recense les habitats marins vulnérables dans l’ouest de l’Arctique canadien. RNCan collabore à des travaux scientifiques sur les océans et la glace de mer avec le ministère des Pêches et des Océans et l’institut de recherche de l’aquarium de la baie de Monterey en Californie, qui s’intéresse plus particulièrement à la technologie marine.

Table des matières

  1. Le chargement du matériel scientifique
  2. Visite de Cambridge Bay et épave d'une goélette centenaire
  3. Calendrier de l’expédition dans l’Arctique, du 20 septembre au 6 octobre 2016
  4. Arrivée de l’équipage
  5. Volcans de boue sous-marins dans la mer de Beaufort
  6. Travaux réalisés à l’aide d’instruments amarrés, profils verticaux de données de conductivité-température-profondeur (CTP) et analyse de l’eau de mer de surface
  7. Premières plongées
  8. Opérations sous-marines
  9. Prélèvement de carottes sous pression et marques d’alimentation des baleines
  10. Recherche de méthane
  11. Voici le dernier blogue des scientifiques principaux à bord!

Le chargement du matériel scientifique

Malgré tout le temps consacré à la planification et aux préparatifs depuis un an en prévision du Programme de recherche géoscientifique 2016 dans la mer de Beaufort, c’est en laissant le bureau de Sidney, en Colombie-Britannique, que j’ai vraiment le sentiment que l’aventure scientifique débute. Après une escale pour la nuit à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, Hans Thomas, de l’institut de recherche de l’aquarium de la baie de Monterey, et moi sommes arrivés à Cambridge Bay, au Nunavut, aujourd’hui. Au moment d'atterrir, j'ai trouvé exaltant d'observer le navire Sir Wilfrid Laurier de la Garde côtière canadienne qui nous attendait, ancré dans la baie.

À l’aéroport, nous avons été accueillis par le très efficace Dwayne Beattie, de l’organisme fédéral Savoir polaire Canada qui s'occupe actuellement d'établir la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique à Cambridge Bay. Toute la matinée, Dwayne s’est affairé à rassembler les multiples objets à charger à bord du Laurier : tout ce que nous avions expédié du sud et une trentaine de boîtes d’échantillons des programmes de recherche de l’été à rapporter aux fins d’analyses dans le sud. Aux abords du quai de Cambridge Bay, six belles piles de matériel attendent sagement d’être placées dans un filet avant d'être chargées à bord du navire par l’hélicoptère de la Garde côtière. À 15 h, les préparatifs sont terminés et tout le monde est prêt pour la délicate opération de chargement. L’embarquement coordonné et efficace des six piles de matériel par la Garde côtière s'est révélé tout un spectacle, et nous avons été impressionnés par la puissance du nouvel hélicoptère Bell 429, surtout quand il a soulevé à tour de rôle les deux piles les plus lourdes (1 390 livres chacune, soit à peine dix livres de moins que la capacité de l'hélico). Merci en particulier à Angulalik Pedersen, technicien de soutien en sciences techniques, pour son aide précieuse.

Les gens de la Garde côtière guident l’hélicoptère Bell 429

Les gens de la Garde côtière guident l’hélicoptère Bell 429

L’hélicoptère Bell 429 déplace l’un des six paquets à embarquer

L’hélicoptère Bell 429 déplace l’un des six paquets à embarquer

 

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Visite de Cambridge Bay et épave d'une goélette centenaire

Dwayne Beattie nous a fait visiter Cambridge Bay, puis nous sommes allés dans la partie ancienne de la localité, histoire de voir de plus près la coque de la goélette Maud, construite en 1916 pour la deuxième expédition dans l’Arctique de l’explorateur polaire Roald Amundsen et renflouée plus tôt cet été en vue d’un éventuel retour en Norvège. Nous avons aussi jeté un œil au chantier de la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, où nous avons pu nous installer dans les tout nouveaux logements destinés aux scientifiques.

Malgré le temps plutôt frisquet et humide, et le vent persistant qui nous bat le visage, tout le monde est très satisfait du déroulement de la journée, et nous avons hâte de rencontrer le reste de l’équipe de recherche qui arrivera demain!

Le Maud, qui appartenait au célèbre explorateur de l’Arctique, Roald Amundsen, a coulé au large des côtes du Nunavut en 1930.

Le Maud, qui appartenait au célèbre explorateur de l’Arctique, Roald Amundsen, a coulé au large des côtes du Nunavut en 1930.

La nouvelle Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique — à Cambridge Bay, au Nunavut.

La nouvelle Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique -- à Cambridge Bay, au Nunavut.

 

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Calendrier de l’expédition dans l’Arctique, du 20 septembre au 6 octobre 2016

Zone d’opération

Dans la mer de Beaufort entre le cap Bathurst et l’île Herschel; plateau de Chukchi.

  • 20 septembre : Cambridge Bay (Nunavut), pour chargement et activités dans le port
  • 21-22 septembre : navigation jusqu’à Kugluktuk
  • 22-23 septembre : mazoutage à Kugluktuk et départ vers la zone de recherche principale
  • 24-30 septembre : travaux de recherche au large de Tuktoyaktuk
  • 1er octobre : navigation jusqu’à l’île Herschel
  • 2 octobre : hélicoptère de l’île Herschel à Inuvik

>> Le mauvais temps ou les glaces pourraient retarder d’une journée ou deux les activités prévues

 

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Arrivée de l’équipage

Après les retards de vol liés aux changements d’équipage, l’équipe est finalement réunie et prête à entreprendre un programme scientifique stimulant. Tout se déroule très bien. Nous avons débarqué à terre hier (sur une petite île, dans la baie de Kugluktuk) pour étalonner certaines boussoles de profileurs de glace marine. Nous portons un t-shirt pour travailler, ce qui est un peu fou dans l’Arctique au moment où on approche la fin de septembre.

Membres d’équipage, après l’exercice de sécurité-incendie, sur le pont du navire Sir Wilfrid Laurier, avec Cambridge Bay en arrière-plan.

Membres d’équipage, après l’exercice de sécurité-incendie, sur le pont du navire Sir Wilfrid Laurier, avec Cambridge Bay en arrière-plan.

 

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Volcans de boue sous-marins dans la mer de Beaufort

Avec la poursuite du développement dans l’Arctique canadien, il devient fondamental pour les scientifiques de comprendre les causes et les effets des modifications apportées au fond marin et de déterminer les zones préoccupantes, y compris les habitats écologiquement vulnérables, ainsi que les géorisques. Les volcans de boue dans le talus supérieur présentent un intérêt particulier, car ils sont considérés comme très dynamiques et soutiennent un habitat unique conditionné par l’écoulement des eaux souterraines provenant des profondeurs et un milieu riche en méthane dissous.

Charlie Paull et Dave Caress, du centre de recherche Monterey Bay Aquarium Research Institute (MBARI), et Scott Dallimore, de RNCan, ont discuté longuement des emplacements et planifié soigneusement où seront effectués les levés effectués au moyen de véhicules sous-marins autonomes (VSA). L’un des levés prévus vise à recueillir des données pour produire de nouvelles cartes bathymétriques d’un volcan de boue de 1,2 km de diamètre – un monticule circulaire qui s’élève à 15 mètres au-dessus du fond marin avoisinant. Ce sont des entités dynamiques formées par du fluide pressurisé et l’écoulement gazeux provenant de l’extrusion de sédiments en profondeur du fond de la mer. Les nouveaux levés effectués par le MBARI à cet emplacement au moyen de VSA utilisés pour la cartographie de haute résolution nous permettront de déterminer si des changements morphologiques peuvent être détectés à la surface du volcan de boue depuis le dernier levé réalisé à cet endroit en 2013. Ces cartes bathymétriques, combinées à d’autres données de recherches, nous aideront à mieux comprendre les processus continus.

Michelle Côté, de RNCan, a passé la première journée à préparer plusieurs échantillonneurs de pompes osmotiques conçus par le MBARI, qui utilisent une pompe à gradient de salinité pour recueillir lentement, mais de façon continue, des échantillons d’eau – pendant une période maximale de trois ans, au besoin – provenant de volcans de boue où un écoulement de fluide du fond marin a été observé.

Ces échantillonneurs de pompe osmotique sont uniques en ce sens que la différence de densité entre l’eau salée et l’eau douce fait fonctionner la pompe et, par conséquent, ne nécessitent aucune alimentation électrique durant leur exploitation. Des analyses chimiques seront effectuées par des chercheurs de l’Université du Maryland et de l’Université de l’Alaska. Nous prévoyons déployer deux échantillonneurs de pompe osmotique et les récupérer lors d’une prochaine expédition. Les données regroupées collectées par ces échantillonneurs et les VSA pour les levés bathymétriques nous aideront à mieux comprendre comment les processus se produisant sous le fond marin, comme la fonte du pergélisol ainsi que la formation et la dissolution d’hydrate de méthane, peuvent entraîner une instabilité de zones visibles du fond marin. Nous pouvons localiser visuellement ces zones sur les cartes de haute résolution du fond marin produites au moyen de VSA, qui apparaissent comme des caractéristiques bathymétriques inhabituelles ainsi que des entités topographiques en monticules et affaissées. Nous réalisons ensuite une vidéo pour vérifier sur le terrain l’exactitude des levés bathymétriques du fond marin en utilisant un mini-engin télécommandé (ROV).

Dale Graves, Ben Erwin et Frank Flores, ingénieurs de ROV du MBARI, ont préparé le mini-ROV pour la réalisation d’un bref essai de plongée à 50 m. Tous les systèmes ont bien fonctionné et de nombreux membres du personnel de la Garde côtière canadienne sont entrés dans le véhicule de contrôle du ROV pour avoir un bref aperçu des images HD diffusées qui proviennent du fond marin.

- Lonny Lundsten, MBARI et Michelle Côté, au nom du groupe scientifique.

Planification de l’emplacement des levés effectués au moyen de véhicules sous-marins autonomes (VSA)

Planification de l’emplacement des levés effectués au moyen de véhicules sous-marins autonomes (VSA)

Michelle Côté, RNCan a passé la journée à préparer les échantillonneurs de pompe osmotique

Michelle Côté, RNCan a passé la journée à préparer les échantillonneurs de pompe osmotique

 

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Travaux réalisés à l’aide d’instruments amarrés, profils verticaux de données de conductivité-température-profondeur (CTP) et analyse de l’eau de mer de surface

Le scientifique en chef, Humphrey Melling, MPO, Canada a dirigé les principales activités lors de la mission du navire Sir Wilfrid Laurier, notamment l’entretien des instruments océanographiques sous-marins et les amarrages pour la surveillance des océans et de la glace de mer, les profils de données de conductivité-température-profondeur (CTP) d’échantillons prélevés au moyen du système Rosette à des emplacements sélectionnés, les mesures continues de l’eau de mer de surface recueillies au moyen de la pompe du thermo-salinographe.

Les mesures recueillies par les instruments océanographiques amarrés fournissent des données océaniques continues tout au long de l’année, qui apportent un complément aux levés exhaustifs, mais de courte durée, effectués à partir de navires. Les travaux réalisés au moyen des amarrages permettent la réalisation d’une surveillance à long terme des océans baignant l’Arctique canadien.

Les instruments amarrés permettent d’obtenir des visions intéressantes et pertinentes pour l’écosystème de l’océan polaire à des moments de l’année où les humains ne sont pas présents pour faire ces observations. Le sonar à vision vers le haut au sommet du dispositif d’amarrage sert à mesurer l’épaisseur de la glace et de déterminer la topographie, révélant la présence de dorsales, la glace uniforme et des pistes écologiques importantes. Le sonar active le deuxième mode imbriqué durant l’été pour mesurer les vagues et les ondes de tempêtes (importantes pour le mélange océanique et la sécurité sur la côte et en mer). Le sonar Doppler positionné en profondeur dans la colonne d’eau sert à mesurer la dérive de la glace et les courants océaniques à toutes les profondeurs, révélant l’ouverture et la fermeture du chenal de séparation en hiver et la zone de remontée des eaux riches en éléments nutritifs vers la zone euphotique. La puissance des échos captés par le sonar Doppler révèle le changement constant de la répartition des espèces du zooplancton dans la colonne d’eau. Les pièges à sédiment collectent des débris, transportés par les courants à partir de l’embouchure de cours d’eau et des zones côtières soumises à l’érosion ou provenant des corps d’organismes marins vivants et morts. Les appareils d’enregistrement du bruit ambiant fournissent des mesures continues de sons produits par les mammifères marins (p.ex. la baleine boréale, le béluga, le phoque barbu, le morse), l’activité humaine (p.ex. aéronefs, navigation maritime, levés sismiques à distance) et les processus naturels (fracture de la glace, dorsale en formation, vagues de vent, poudrerie haute, gaz s’échappant d’un évent sur le fond marin). Les capteurs conventionnels servant à mesurer la température et la salinité de l’eau de mer révèlent les cycles saisonniers des propriétés des eaux du plateau continental qui dépendent du réchauffement, du refroidissement, de la congélation et des phénomènes météorologiques.

 Déploiement d’un mini-engin télécommandé (ROV).

Déploiement d’un mini-engin télécommandé (ROV).

Aperçu des images de haute définition diffusées sous le brise-glace Sir Wilfrid Laurier

Aperçu des images de haute définition diffusées sous le brise-glace Sir Wilfrid Laurier

 

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Premières plongées

Nous commençons maintenant à nous sentir dans l’Arctique. En travaillant sur le pont, nous sentons le vent cinglant passer à travers nos vêtements pour nous geler jusqu’aux os. Un brouillard bas entoure le navire la plupart du temps, et, hier, nous avions l’impression que le brouillard avait gelé, déversant parfois du grésil. Les manilles qui relient les câbles ou cordes à bord du navire aux véhicules déployés commencent à geler lorsque nous les remontons, ce qui complique les opérations sur le pont.

À 7 h 30, nous avons déployé le petit véhicule téléguidé pour une plongée à une profondeur de 420 m, dans un site d’un volcan de boue. Il s’agit d’une caractéristique circulaire du fond marin où il y a eu une éruption récente de boue, d’une hauteur de 15 m au-dessus du fond marin et d’un diamètre de 1,2 km. On trouve une variété de microhabitats dans le volcan de boue, dont la nature semble dépendre de l’âge de la matière à la surface de tout site donné. Nous pensons que les sédiments d’âge intermédiaire offrent un habitat pour un ver polychète qui se nourrit de bactéries chimiosynthétiques.

En fait, le ver « cultive » ces bactéries et les consomme dans son tube digestif. En échange, les bactéries profitent d’un milieu de vie stable – dans le corps du ver – où elles reçoivent un apport en oxygène et en eau riche en éléments chimiques. Ces bactéries utilisent cette eau riche en éléments chimiques pour produire une réaction chimiosynthétique et ainsi créer des sucres simples. Le processus de la chimiosynthèse ressemble à la photosynthèse sauf que la réaction est alimentée par les éléments chimiques dans l’eau salée plutôt que par l’énergie solaire.

Il est important de souligner que le volcan de boue n’est pas un volcan au sens propre, c.-à-d. qu’il n’y a pas de processus sous-jacents dans la croûte terrestre qui produisent des extrusions de lave ou même d’eau chaude du fond marin. Les volcans de boue sont des zones où il y a extrusion de gaz ou de fluides à travers le fond marin existant et dépôt d’une nouvelle couche de sédiments liquéfiés et de gaz, dans le cas présent du méthane, provenant des couches profondes du fond marin. L’extrusion lente et constante de sédiments liquéfiés et de gaz donne lieu à l’apparition de caractéristiques circulaires semblables à des cloques et à des volcans sur le fond marin.

Nous avons récupéré le petit véhicule téléguidé, celui-ci était de retour sur le pont à 11 h 30, puis nous nous sommes rendus au lieu de récupération du véhicule sous-marin autonome (VSA) pour y récupérer l’engin à 12 h 30. Malheureusement, le VSA de cartographie n’a pas fonctionné comme prévu durant la nuit, et il semble que nous ayons effectué un relevé offrant peu d’intérêt. Nous sommes d’avis que le comportement du VSA pourrait être le résultat d’un cône de queue qui s’est désaligné au moment du déploiement du VSA. Cette situation constitue un rappel des défis associés au déploiement d’équipement de télédétection de haute technologie dans des milieux éloignés et souvent difficiles.

Étalonnage des boussoles. Nous sommes débarqués sur une île rocheuse dans la baie près de Kugluktuk, par un bel après midi, pour effectuer l’étalonnage.

Étalonnage des boussoles. Nous sommes débarqués sur une île rocheuse dans la baie près de Kugluktuk, par un bel après-midi, pour effectuer l’étalonnage.

Ben Erwin pilote le véhicule téléguidé au moment de la récupération de celui-ci.

Ben Erwin pilote le véhicule téléguidé au moment de la récupération de celui-ci.

Groupe de vers chimiosynthétiques observé sur le volcan de boue.

Groupe de vers chimiosynthétiques observé sur le volcan de boue.

L’équipage de la Garde côtière canadienne à l’œuvre lors de la récupération du petit véhicule téléguidé.

L’équipage de la Garde côtière canadienne à l’œuvre lors de la récupération du petit véhicule téléguidé.

 

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Opérations sous-marines

Les opérations du véhicule sous-marin autonome (VSA) et du véhicule téléguidé sont en cours. Nous avons établi une cadence pour l’équipe, et l’équipage gère de main de maître le déploiement des deux véhicules.

Une danse continue des divers éléments scientifiques de cette expédition est nécessaire pour les travaux d’amarrage, les profils de CTP, la cartographie à l’aide de VSA et les plongées de véhicule téléguidé. À chaque nouvelle expédition correspond une courbe d’apprentissage pour l’équipage, les scientifiques et les ingénieurs responsables des véhicules à bord. Une fois que les partenaires adoptent le rythme, la danse gagne en élégance.

Aujourd’hui, la récupération du VSA a été exécutée de façon impeccable par l’équipage. Un petit bateau a été utilisé pour agripper et remorquer le VSA du point de récupération en surface aux câbles stabilisateurs navire et au crochet de la grue à bord du navire. Une fois le VSA accroché, le petit bateau s’est éloigné rapidement, laissant la voie libre à l’équipage pour qu’il arrime le VSA à bord du navire.

Ce matin, une fois le VSA récupéré, les ingénieurs responsables ont préparé le petit véhicule téléguidé pour une deuxième plongée vers le volcan de boue de 420 m. Une fois au fond, nous avons déployé notre deuxième échantillonneur osmotique, puis nous avons effectué des mesures de la température de l’eau et de la subsurface et prélevé trois carottes. Nous avons ensuite réalisé un transect d’environ 400 m au-dessus du volcan de boue afin de recueillir des transects vidéo aux fins d’analyse biologique et de cerner visuellement les points de contact entre les différents âges du fond marin.

Pendant le transect, nous avons reçu de bonnes nouvelles de Dave Caress : il venait de terminer le traitement initial des données recueillies dans le cadre de la mission du VSA de la nuit précédente et il nous apportait la nouvelle carte. Celle-ci montrait des différences très claires sur le plan de la structure, par rapport aux travaux de cartographie effectués quelques années auparavant, et notre plongée a été réalisée dans une zone de changement notable. Nous avons d’ailleurs dû modifier notre trajectoire au milieu de la plongée pour vérifier les points de contact nouvellement révélés. Ce qui est encore plus intéressant, la dernière carotte prélevée lors de cette plongée contenait des hydrates de gaz, une structure de méthane et d’eau qui ressemble à de la glace. Une fois à la surface, cette structure a commencé à se dissocier au sein de la carotte, créant ainsi des poches de gaz en expansion et la formation de bulles visibles.

Nous avons connu une excellente journée d’échantillonnage, et la danse se poursuit… nous planifions déployer bientôt deux VSA pour des opérations nocturnes.

Une embarcation pneumatique à coque rigide pour la récupération et le remorquage du VSA jusqu’au NGCC

Une embarcation pneumatique à coque rigide pour la récupération et le remorquage du VSA jusqu’au NGCC

Une fois arrimé, le VSA est rapidement arrimé au pont.

Une fois arrimé, le VSA est rapidement arrimé au pont.

La dernière carotte prélevée contenait des hydrates de méthane.

La dernière carotte prélevée contenait des hydrates de méthane.

 

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Prélèvement de carottes sous pression et marques d’alimentation des baleines

La mission d’aujourd’hui consistait à filmer in situ une niche de décollement. Une niche de décollement est essentiellement un glissement de terrain sous-marin, où les couches litées sont exposées tout comme la coupe transversale d’une route expose les couches de sédiments. Nous avons navigué au-dessus d’un fond marin plat et sédimenté pour nous approcher de la niche de décollement.

Une fois rendus au-dessus de la niche, nous avons prélevé deux échantillons par carottage sous pression et un galet. La documentation des galets est importante, parce qu’ils ne font pas expressément partie de la géologie de fond dans cette zone. Les différents types de galets et leur abondance permettent de croire qu’ils ont été déposés par de la glace de glacier. Les caractéristiques particulières de ces galets peuvent nous aider à déterminer leur source d’origine et également à reconstituer l’historique glaciaire de la région de la mer de Beaufort.

Nous sommes également passés au-dessus de plusieurs marques inhabituelles sur le fond marin qui ressemblent à des dépressions allongées creusées dans le fond marin, un peu comme la marque qu’on laisse en prenant une cuillerée de crème glacée quand on vient juste d’ouvrir le contenant! Nous pensons que ces marques, des rainures d’une largeur de 15 à 30 cm et de plusieurs mètres de longueur, sont dues à l’alimentation des mammifères marins (probablement des baleines ou des phoques). Dans d’autres parties du monde, les baleines grises et plusieurs autres espèces de baleine s’alimentent en organismes qui vivent sur et dans le fond marin boueux. Ces baleines plongent jusqu’au fond marin et ramassent une bonne quantité de sédiments avec leur bouche. Dans le cas des baleines à fanons, elles expulsent l’eau et la boue par les fanons, et il leur reste une bouchée savoureuse de crustacés, de poissons et de vers.

Selon une autre théorie, ces dépressions sont créées par les baleines pendant leur alimentation au fond de l’eau lorsqu’elles attaquent des proies. La baleine localise la proie et plonge pour la pourchasser, et les dépressions sont créées par la mâchoire de la baleine qui heurte le fond marin pendant la poursuite. Les sédiments sont soulevés du fond marin et se déposent de part et d’autre de la marque lorsque la baleine s’éloigne, ce qui crée des rainures sur le fond (Hein et coll. 1995). Afin d’étudier davantage ce phénomène, les pilotes du véhicule sous-marin télécommandé (VST) ont réalisé une mosaïque vidéo d’une de ces rainures, que nous traiterons plus tard à l’aide d’un programme de modélisation 3D. Cela nous permettra de calculer avec précision les dimensions de la dépression et le volume de sédiments qui a été retiré de la « cuillerée ».

Pendant le trajet vers la niche de décollement, Lonny Lundsten, qui est habituellement le scientifique chargé de documenter les plongées, a eu l’occasion de piloter le VST pendant quelques minutes. Il a fait un excellent travail!

Lorsque le VST a examiné la niche en remontant vers la surface, nous avons échantillonné et examiné les couches litées exposées. Au sommet de la niche, nous avons commencé à voir plus de roches, ainsi que des organismes marins qui se fixent habituellement aux surfaces dures, y compris quelques crinoïdes et coraux. Cela indique la présence de galets enfouis. Nous avons prélevé un autre galet et une autre carotte, et nous avons récupéré le VST.

Lorsque le véhicule est revenu à la surface, nous avons récupéré et traité le galet et les échantillons de carotte. Nous avons mesuré et photographié les carottes, et décrit les couches sédimentaires. Nous avons ensuite coupé des tranches de 1 cm de la carotte cylindrique contenant les sédiments, et nous les avons ensachées et étiquetées en vue d’une analyse ultérieure.

Lonny Lundsten et Michelle Côté, au nom des scientifiques à bord.

Rainure créée par une baleine en 3D : Image d’un modèle 3D d’une marque produite par l’alimentation d’une baleine, observée au cours de la plongée d’aujourd’hui. Nous pouvons utiliser ce modèle pour estimer les dimensions de la rainure et le volume de sédiments qui a été retiré. La largeur de la rainure est ~ 14 cm.

Rainure créée par une baleine en 3D : Image d’un modèle 3D d’une marque produite par l’alimentation d’une baleine, observée au cours de la plongée d’aujourd’hui. Nous pouvons utiliser ce modèle pour estimer les dimensions de la rainure et le volume de sédiments qui a été retiré. La largeur de la rainure est ~ 14 cm.

Traitement des carottes par Charlie : Le scientifique principal de MBARI, Charlie Paull, commence le traitement de l’une des carottes de sédiments prélevés par le VST.

Traitement des carottes par Charlie : Le scientifique principal de MBARI, Charlie Paull, commence le traitement de l’une des carottes de sédiments prélevés par le VST.

Ensachage des tranches de carotte : Une fois décrites et photographiées, les tranches de 1 cm provenant des carottes sont ensachées et étiquetées, en vue d’une analyse ultérieure.

Ensachage des tranches de carotte : Une fois décrites et photographiées, les tranches de 1 cm provenant des carottes sont ensachées et étiquetées, en vue d’une analyse ultérieure.

 

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Recherche de méthane

Dans cette expédition de recherche, les levés à l’aide du VST et du véhicule sous-marin autonome (VSA) sont la priorité, mais nous sommes toujours en train de concevoir d’autres tâches scientifiques qui peuvent être réalisées lorsque le temps le permet. L’étude des rejets de méthane dans la colonne d’eau, depuis les entités du fond marin, est un autre domaine qui intéresse les scientifiques à bord. Les questions principales qui nous intéressent sont :

1)      Les entités que nous avons observées et qui rejetaient du gaz dans le passé en rejettent-elles encore?

2)      Jusqu’à quelle hauteur dans la colonne d’eau le méthane se propage-t-il, et une partie du méthane atteint-elle l’atmosphère?

3)      Quelle est la concentration, dans la colonne d’eau, du méthane provenant de ces entités?

Afin de répondre à ces questions, nous avons imagé la colonne d’eau pour trouver des indicateurs de bulles au moyen d’un sondeur monté sur la coque du navire. Nous avons également utilisé la rosette CTP (conductivité, température et profondeur) du ministère des Pêches et des Océans (MPO) qui comporte 24 cylindres d’échantillonnage. L’instrument CTP mesure la conductivité et la température de la colonne d’eau, et lorsqu’elle descend dans l’eau, nous déclenchons l’ouverture des cylindres à différentes profondeurs.

Les échantillons d’eau ont été placés dans de petites bouteilles en verre qui conserveront tout méthane dissous dans l’eau. Les échantillons seront ensuite analysés par Laura Lapham, de l’Université du Maryland, afin de mesurer les concentrations de méthane. Mais nous devons d’abord examiner les entités pour voir s’il y a quelque chose à échantillonner! Après le déploiement des VSA, nous avons finalement eu le temps d’utiliser la rosette CTP. Nous nous sommes dirigés vers une entité appelée « Coke Cap », ainsi nommée parce qu’elle a la forme d’un bouchon de bouteille de boisson gazeuse. Humfrey Melling (MPO) avait déployé sur ce site, en 2012, un amarrage pourvu d’un système sonar qui avait imagé le fond marin. Il avait constaté que cette entité émettait périodiquement du gaz, un peu à la façon de « rots ». Notre première étape a donc consisté à réaliser un bref examen de l’entité à l’aide du sondeur de 12 kHz, afin de pouvoir imager l’eau à la recherche d’émissions de gaz depuis le fond marin. Nous avons été quelque peu déçus, car l’entité semblait être dans une « période d’accalmie » et n’a donné aucun panache spectaculaire de bulles qui aurait été visible dans les données du sondeur. Mais nous avons néanmoins détecté des preuves de petits panaches de bulles. Nous avons donc choisi notre emplacement et le navire a été positionné pour notre analyse avec la rosette CTP.

Nous avons déclenché l’ouverture de 18 cylindres à des profondeurs comprises entre 5 et 280 m, et cela a été la partie amusante! Lorsque nous avons récupéré la rosette sur le pont, la tâche plus fastidieuse d’échantillonnage a eu lieu. Il n’y a aucun résultat à signaler pour le moment, car nous devons attendre l’analyse des échantillons en laboratoire.

Nous espérons avoir le temps d’examiner et d’échantillonner d’autres entités, mais comme les missions avec le VSA et le VST produisent des données tellement intéressantes et d’une si grande qualité, nous devrons peut-être réaliser cette tâche lors d’une future croisière.

Lonny Lundsten et Michelle Côté, au nom des scientifiques à bord.

Données obtenues avec le sondeur de 12 kHz au-dessus de l’entité « Coke Cap ».

Données obtenues avec le sondeur de 12 kHz au-dessus de l’entité « Coke Cap ».

Michelle Côté en train d’échantillonner l’eau récupérée par la rosette.

Michelle Côté en train d’échantillonner l’eau récupérée par la rosette.

 

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Voici le dernier blogue des scientifiques principaux à bord!

Nous avons apprécié notre expérience de blogueurs depuis le NGCC Sir Wilfrid Laurier. Nous espérons que nos lecteurs avides de blogues ont pu apprécier les défis que doivent relever les scientifiques qui réalisent une expédition de recherche multitâches dans l’Arctique, ainsi que leur savoir-faire unique. Nous sommes sur le point de terminer l’expédition et nous désirons, à titre de scientifiques les plus expérimentés « ayant mis la main à la pâte » sur le navire, faire un survol de cette campagne. Ensemble, Humfrey, Charlie et Scott n’ont « à peine » que 120 années d’expérience sur le terrain.

Diriger le programme de recherche de 2016 sur le Sir Wilfrid Laurier a été un plaisir. Si nous avons pu réaliser nos objectifs, c’est bien sûr grâce aux scientifiques et aux ingénieurs qui se sont acharnés à la tâche. Leur compétence et l’enthousiasme dont ils ont fait preuve ont été exceptionnels. De même, l’équipage du Sir Wilfrid Laurier a été formidable. Les membres d’équipage ont affronté le temps froid pour mettre à l’eau de petites embarcations, ils ont manipulé avec soin notre équipement scientifique marin et ils ont fait preuve d’une hospitalité au-delà de nos attentes (notre seul problème est que nos vêtements sont devenus un peu étroits, à cause de toutes les bonnes choses qu’on nous a servies!). Tous et toutes ont travaillé ensemble, avec un objectif commun et dans un esprit de camaraderie.

Comme c’est la cinquième croisière que nous avons réalisée ensemble sur le Sir Wilfrid Laurier, nous avons le loisir de réfléchir sur les réalisations qui ont été rendues possibles grâce à notre collaboration. Nous avons cherché à faire progresser deux axes de recherche – la surveillance d’une part et la découverte d’autre part. Le volet surveillance, une responsabilité fondamentale de Pêches et Océans Canada, consiste à faire des observations concernant les propriétés de la glace de mer, ainsi que la physique et la chimie de l’océan. Pour Humfrey Melling, cette expédition de 2016 était la 26e année qu’il réalisait son programme de surveillance des glaces de mer, ce qui représente l’une des plus longues séries chronologiques de quantification des processus des glaces de mer dans l’océan Arctique. On dispose ainsi d’une base de données précieuses permettant d’évaluer les dangers pour les structures sur le fond marin dus à la glace de mer et d’accroître notre connaissance des processus qui régissent les glaces et les océans, et de la façon dont ils pourraient évoluer à l’avenir.

La Commission géologique du Canada a une longue histoire d’exploration dans l’Arctique de l’Ouest, qui remonte à l’expédition de 1913-1916 dans l’Arctique canadien. La majeure partie de nos travaux scientifiques axés sur la découverte visent à évaluer la réponse du pergélisol et des hydrates de gaz à la transgression marine. L’Institut de recherche de l’Aquarium de Monterey Bay (Monterey Bay Aquarium Research Institute – MBARI) a apporté sa contribution grâce à sa capacité ultramoderne en levés avec les véhicules VST et VSA, ainsi qu’à ses connaissances et son expérience importantes en analyse et en interprétation des processus des fonds marins. Ensemble, nous avons échantillonné le pergélisol et les hydrates de gaz en mer, et nous avons documenté les écoulements des eaux souterraines et les habitats uniques sur le fond marin.

Nous avons également beaucoup appris sur les processus sédimentaires actifs et nous avons accru nos connaissances de l’histoire glaciaire de la mer de Beaufort. Une des réalisations majeures de cette croisière a été la possibilité de procéder à un nouveau levé des volcans de boues et de documenter les changements qui sont survenus depuis 2013. Nous avons également observé des écoulements de boue actifs rejetés par des cheminées.

Pour ce qui est de l’avenir, nous croyons fermement que l’Arctique est important. C’est un environnement unique et dynamique qui, sans conteste, subit quelques-uns des plus importants changements sur la planète. Il est important de continuer et d’élargir la recherche scientifique dans cet environnement et, compte tenu des défis logistiques, nous croyons que les collaborations du genre de celles que nous avons connues sont très bénéfiques.

Scott Dallimore, avec Humfrey Melling et Charlie Paull, scientifiques principaux à bord.

Équipe scientifique et équipage du Sir Wilfrid Laurier

Équipe scientifique et équipage du Sir Wilfrid Laurier

Scientifiques principaux à bord : Dallimore, Melling et Paull.

Scientifiques principaux à bord : Dallimore, Melling et Paull.

Le Sir Wilfrid Laurier, un navire de la Garde côtière canadienne.

Le Sir Wilfrid Laurier, un navire de la Garde côtière canadienne.

 

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