Rapport Comité d’experts indépendant sur les sciences de l’aquaculture

Table des matières

  1. Remerciements
  2. Résumé
  3. Objectif
  4. Contexte
  5. Observations et recommandations générales
  6. Recommandations particulières
  7. Conclusion
  8. Références

Remerciements

Nous remercions avec gratitude l’immense contribution des membres du groupe d'experts indépendants:

Dre Julia Baum, professeure associée de biologie, Université de Victoria

Dr Alejandro Buschmann, professeur, Université de Los Lagos, Chili

Dr Tony Farrell, professeur de zoologie, Université de la Colombie-Britannique

Dre Susanna Fuller, agente principale de programme, Oceans North

Dr Larry Hammell, doyen (par intérim), faculté des études supérieures de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard (UPEI) et professeur et doyen associé, Atlantic Veterinary College, UPEI

Dr Kjetil Hindar, directeur de la recherche, Norwegian Institute for Nature Research (NINA), Trondheim, Norvège

Heather Jones, directrice générale, Scottish Aquaculture Innovation Centre

Dr Douglas Lipton, chercheur scientifique principal en économie, National Marine Fisheries Service, États-Unis

Dr Matthew Rise, professeur, Département des sciences de l’océan, Université Memorial

Dre Sm’hayetsk Teresa Ryan, Fellow, Département des sciences forestières et de la conservation, Université de la Colombie-Britannique

Dre Sandra Shumway, professeure de recherche en sciences marines, Université du Connecticut, États-Unis

Dr Jamey Smith, directeur exécutif, Centre des sciences de la mer Huntsman, St. Andrews, Nouveau-Brunswick

 

Nous remercions également les collègues du Bureau du conseiller scientifique en chef pour leurs contributions et leur soutien aux travaux du Comité. L’équipe incluait, par ordre alphabétique, Alfred Bungay, Lara Cooper, Navdeep Khera et Marc Legault. Nous remercions également Leah Geller, consultante en rédaction et en révision, qui a contribué à l'élaboration de ce rapport.

 

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2. Résumé

Le Comité d’experts indépendant sur l’aquaculture (le Comité) a été mis sur pied en mai 2018 dans le but de fournir au ministère des Pêches et des Océans (MPO) des conseils et des recommandations sur l’utilisation appropriée des preuves scientifiques dans le cadre des décisions axées sur le risque en matière d’aquaculture, sur le processus d’établissement des priorités dans le domaine des sciences de l’aquaculture au MPO, ainsi que sur la communication liée aux sciences de l’aquaculture et des décisions qui en résultent pour les Canadiens.

Puisque le mandat était défini de manière générale, le Comité a accepté que les recommandations soient générales et qu’elles portent principalement sur les pratiques exemplaires et les principes universellement acceptés dans le cadre du processus fondé sur les preuves scientifiques. Par conséquent, les recommandations du Comité pourraient également intéresser d’autres ministères et organismes impliqués dans la science et dans la gestion de l’aquaculture.

Dans ses délibérations, le Comité a souligné qu’il existe plusieurs défis d’ordre général en ce qui concerne la science et la gestion de l’aquaculture au Canada. Premièrement, la fragmentation des responsabilités entre plusieurs paliers de gouvernement, ainsi qu’entre les ministères et organismes fédéraux, représente un défi lorsqu’on doit communiquer les sciences de l’aquaculture et les décisions qui en résultent. Le public comprend mal la fragmentation des responsabilités entre ces différents secteurs de compétences. Deuxièmement, la diversité des écosystèmes et des types d’activités aquacoles requiert des cadres distincts pour un processus décisionnel axé sur les risques. Néanmoins, le MPO assume en matière scientifique des responsabilités globales dans le domaine de l’aquaculture et occupe une position unique pour communiquer aux Canadiens une vision et un plan intégrés en matière d’aquaculture durable et de protection des océans.

L’examen du Comité a permis de constater qu’il existe au MPO des processus systématiques en matière de recherche scientifique en ce qui concerne la production de connaissances et de contributions destinées aux décisions réglementaires. On dispose cependant d’une capacité limitée pour évaluer l’application des preuves scientifiques aux décisions plus générales en matière de gestion de l’aquaculture ou à l’évaluation des effets qu’ont les actions de la gestion de l’aquaculture sur les niveaux de risque. De plus, le Comité a constaté que l’information scientifique considérée dans les décisions réglementaires et politiques spécifiques n’est pas facilement accessible. Enfin, il semble que l’établissement des priorités scientifiques et les processus décisionnels au MPO soient devenus trop internes et qu’ils fassent l’objet d’une communication insuffisante.

De façon générale, le Comité recommande que le MPO élabore un cadre intégré de gestion des risques qui peut être utilisé afin de promouvoir des procédés continus, proactifs et systématiques afin de comprendre, gérer et communiquer les risques à partir d’une perspective organisationnelle. Une telle approche basée sur la preuve repose sur l’identification et la caractérisation scientifiques de tous les risques et impacts possibles qui sont associés aux activités aquacoles.

Le Comité encourage également la définition d’une vision claire et d’un plan pluriannuel devant régir les activités scientifiques. Ensemble, ces recommandations aideraient le MPO à élaborer une stratégie de communication à la fois efficace, coordonnée et accessible à laquelle participeraient différents intervenants, les communautés autochtones, ainsi que la population en général.

Pour y parvenir, le Comité recommande que le MPO mette sur pied un système de consultation scientifique intégré comprenant un conseiller scientifique ministériel nommé à l’externe, ainsi qu’un comité consultatif externe sur l’aquaculture, que le MPO mettra sur pied. On assurerait ainsi la participation continue d’experts externes indépendants dans le processus scientifique au MPO – depuis l’établissement des priorités des recherches jusqu’à l’examen par les pairs, en passant par la synthèse et l’interprétation des preuves. De plus, on recommande d’adopter un cadre scientifique ouvert comprenant des données et des publications scientifiques accessibles. La science ouverte représente une occasion importante pour un engagement significatif avec les communautés, les intervenants, les communautés autochtones, ainsi que les experts scientifiques de l’extérieur.

Le Comité présente ainsi 10 recommandations précises en lien avec les questions qu’il a reçues comme mandat.

  1. Conseils et recommandations sur la considération des preuves scientifiques dans la prise de décisions et l’élaboration des politiques axées sur les risques servant de base à la gestion de l’aquaculture.

Recommandation 1 : Le MPO devrait mettre en place des pratiques exemplaires pour résumer les preuves scientifiques disponibles au sujet des risques dans le domaine de l’aquaculture. Cela comprend l’intégration du savoir autochtone et local, ainsi que l’utilisation d’examens systématiques, d’examens externes par les pairs et d’autres normes universellement acceptées.

Recommandation 2 : En consultation avec le conseiller scientifique ministériel, le MPO devrait recourir aux pratiques exemplaires pour caractériser et comprendre les risques et les impacts éventuels qui sont associés à l’aquaculture.

Recommandation 3 : Le MPO devrait recourir à des méthodologies quantitatives et à des approches scientifiques axées sur les risques pour élaborer un cadre intégré de gestion des risques (CIGR) qui assureront la prise en compte de tous les facteurs pertinents dans les décisions liées à l’aquaculture.

  1. Conseils et recommandations sur le processus d’établissement des priorités dans le cadre des travaux scientifiques dans le domaine de l’aquaculture à Pêches et Océans Canada.

Recommandation 4 : Le MPO devrait mettre sur pied un Comité consultatif externe sur l’aquaculture.

Recommandation 5 : Le MPO devrait élaborer une vision scientifique claire et globale, ainsi qu’un plan de recherche pluriannuel correspondant avec l’aide du conseiller scientifique ministériel et du Comité consultatif externe sur l’aquaculture.

Recommandation 6 : Le Comité consultatif externe sur l’aquaculture devrait, sous la direction du conseiller scientifique ministériel, procéder à un examen externe par les pairs des plans et des priorités de la recherche.

Recommandation 7 : Le conseiller scientifique ministériel devrait, avec la participation du Comité consultatif externe sur l’aquaculture, établir des directives claires concernant les programmes scientifiques du MPO soutenant la gestion de l’aquaculture d’une part et les pratiques émergentes dans le domaine de l’aquaculture d’autre part.

Recommandation 8 : Le MPO devrait modifier les processus d’établissement des priorités scientifiques afin de tenir compte, comme il se doit, des priorités régionales en faisant appel à une approche écosystémique intégrée.

  1. Conseils et recommandations sur les possibilités d’améliorer la communication aux Canadiens des résultats scientifiques et des décisions qui en résultent.

Recommandation 9 : Le MPO devrait élaborer un plan de communication proactif lié aux sciences de l’aquaculture. Un tel plan doit comprendre le remaniement du site Web sur l’aquaculture.

Recommandation 10 : Le MPO devrait adopter et mettre en œuvre un cadre scientifique ouvert pour l’aquaculture et élaborer des alliances stratégiques dans le domaine des communications et de la vulgarisation scientifiques.

 

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3. Objectif

En février 2018, le ministre des Pêches et des Océans annonçait, au nom du ministre des Sciences, que le conseiller scientifique en chef allait diriger un comité d’experts indépendant chargé de formuler des recommandations sur l’utilisation appropriée des preuves scientifiques aux fins des décisions dans le domaine de l’aquaculture. Le Comité dispenserait également des conseils sur la communication de ces résultats scientifiques et sur la façon de les utiliser dans le cadre du processus décisionnel.

Mandat

Le mandat du Comité d’experts indépendants sur les sciences de l’aquaculture (le Comité) doit fournir des conseils et des recommandations au ministre des Sciences, ainsi qu’au ministre des Pêches et des Océans dans trois secteurs de préoccupation :

  1. La prise en compte des preuves scientifiques lors de la prise de décisions et l’élaboration des politiques axées sur les risques servant de base à la gestion de l’aquaculture;
  2. Le processus d’établissement des priorités des travaux scientifiques dans le domaine de l’aquaculture à Pêches et Océans Canada; et
  3. Les possibilités d’améliorer la communication aux Canadiens des résultats scientifiques et des décisions qui en résultent.

Méthodologie

Pour réaliser son mandat, le Comité a tenu compte de l’information disponible sur les sites Web du gouvernement, ainsi que dans les documents et les rapports publiés. Sur demande du Comité, des fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans (MPO), de l’Agence de réglementation de lutte antiparasitaire (ARLA) et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) ont également donné des présentations afin de répondre aux questions du Comité. Le Comité a également bénéficié d’une présentation de la part d’experts sur la prise de décisions axées sur les risques.

Les recommandations étaient basées sur les connaissances scientifiques actuelles dans le domaine de l’aquaculture et sur les normes internationales en matière d’utilisation de la science dans les décisions axées sur les risques, ainsi que sur les pratiques exemplaires internationales entourant l’utilisation et la communication des renseignements scientifiques aux fins des politiques. Le Comité a tenu en tout deux réunions en personne (à Ottawa et à Montréal) et deux téléconférences afin de réaliser ses travaux.

Le Comité a reconnu que toutes les recommandations allaient être :

  • générales, incluant certains conseils devant faciliter la mise en œuvre, sans être exclusives à une région géographique ou à une préoccupation de nature régionale en particulier;
  • destinées au MPO, reconnaissant que ces recommandations peuvent également intéresser d’autres ministères et organismes impliqués dans la gestion des activités aquacoles; et
  • pertinentes pour tous les secteurs de l’aquaculture et non axées exclusivement sur le saumon d’élevage.
 

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4. Contexte

L’aquaculture consiste à élever des espèces aquatiques, d’eau douce et d’eau salée, dans des conditions contrôlées. La pratique de l’aquaculture remonte à plusieurs millénaires en Chine. Cependant, l’aquaculture axée sur la production intensive est relativement récente, puisqu’elle remonte au milieu du vingtième siècle (Nash, 2010). L’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime que l’aquaculture représente le secteur de production alimentaire qui connaît la croissance la plus rapide, alors qu’on lui attribue plus de 50 % de la consommation mondiale de poisson en 2014, sans compter qu’il représente 25 % de la production totale des pêcheries marines au monde (FAO, 2016).

1. Le développement de l’aquaculture au Canada

L’aquaculture commerciale au Canada a vu le jour dans les années 1950 alors que l’élevage de la truite d’eau douce a débuté en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec ainsi que la culture des huîtres, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard. Dans les années 1970, l’industrie des moules est apparue sur la côte est, tout comme les premières tentatives de pratiquer la culture commerciale du saumon en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. La production aquacole commerciale à l’intérieur d’enclos marins au Canada est devenue importante au milieu des années 1980, alors qu’elle a plus que quadruplé dans les années 1990, et ce principalement grâce à la croissance en Colombie-Britannique.

De nos jours, l’aquaculture est pratiquée dans les 10 provinces, ainsi qu’au Yukon, alors qu’on cultive différentes espèces de poissons, de mollusques et crustacés ainsi que d’algues. D’après Statistique Canada, entre 2012 et 2016, le Canada a généré en moyenne 176 760 tonnes de produits aquacoles d’une valeur de 951 millions de dollars annuellement. Cinquante-cinq pour cent de la production aquacole du Canada est exportée, et ce, principalement vers les États-Unis. Plus de 88 % des exportations aquacoles du Canada sont des produits du saumon. Les poissons (principalement le saumon) continuent d’occuper la première place dans la production, représentant près de 80 % du volume total et environ 93 % de la valeur totale. L’aquaculture au Canada est considérée comme un produit de grande valeur dont la production brute dépasse le 1,4 milliard de dollars, alors que les salaires et les traitements ont atteint 115 millions de dollars en 2016. L’industrie procure des emplois à l’année à des milliers de Canadiens, dont plusieurs habitent au sein de communautés rurales ou côtières éloignées. Près de 50 communautés autochtones participent directement à la production aquacole commerciale au Canada, principalement en Colombie-Britannique et en Ontario, mais également dans le Canada atlantique.

Défis et possibilités de l’aquaculture

Alors que la demande mondiale de poissons et fruits de mer augmente, l’aquaculture est devenue une source importante d’aliments. D’après la Banque mondiale (2013), l’aquaculture devrait fournir plus de 60 pour cent du poisson destiné à la consommation humaine directe d’ici 2030 comparativement à 47 pour cent en 2006. On considère que l’industrie aquacole canadienne présente un potentiel de croissance énorme en raison de l’étendue des côtes canadiennes et de la proximité du marché américain. Cependant, l’expansion future possible de cette industrie suscite également des préoccupations sur le plan écologique.

À l’instar de la plupart des industries, l’aquaculture peut entraîner des répercussions sur l’environnement et certaines questions ont été soulevées au sujet de l’impact de l’aquaculture sur les écosystèmes et sur la biodiversité. Les preuves scientifiques démontrent que le transfert de pathogènes et de parasites entre les stocks de poissons cultivés et les poissons sauvages présente des impacts potentiels, et que le poisson cultivé qui s’échappe peut entraîner des répercussions sur les populations de poissons indigènes et leurs écosystèmes. On est également préoccupé par l’impact potentiel des produits chimiques utilisés dans le cadre des activités aquacoles, comme les antibiotiques et les produits antiparasitaires, sur l’environnement marin. L’utilisation et l’épuisement des stocks sauvages pour fabriquer la moulée, les impacts sur les autres espèces commerciales, ainsi que les mammifères marins qui se retrouvent piégés dans les filets des piscicultures sont d’autres sources de préoccupations.

De plus, il existe des incertitudes et des complexités inhérentes à de nombreuses activités scientifiques dans le domaine de l’aquaculture, en particulier celles qui se répercutent au niveau des écosystèmes. Un nombre croissant d’articles scientifiques fournissent des preuves des impacts potentiels, malgré que l’effet sur les niveaux de population de la vie marine reste incertain. De plus, le réchauffement des températures dans les océans, ainsi que la pollution et l’acidification de ces dernières représentent des défis dynamiques allant de la propagation des maladies au comportement animal qui pourraient nécessiter certains changements au niveau des méthodes scientifiques actuelles.

2. La gestion de l’aquaculture au Canada

Au Canada, la gestion de l’aquaculture est une responsabilité que partagent les gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux. Les pouvoirs constitutionnels et les décisions des tribunaux ont donné lieu à la mise en place de trois régimes de gestion distincts au pays en matière d’aquaculture :

  1. En Colombie-Britannique, en raison de la décision judiciaire rendue en 2009, le MPO est devenu le principal organisme de réglementation. Le Règlement du Pacifique sur l’aquaculture confère au MPO la responsabilité en ce qui a trait à l’émission des permis et à la surveillance des conditions des permis.
  2. À l’Île-du-Prince-Édouard, aux termes d’un protocole d’entente qui remonte à 1928, la province a transféré la responsabilité de la gestion des pêches au gouvernement fédéral. Par conséquent, les activités aquacoles sont gérées conjointement avec le MPO.
  3. Dans les autres provinces et territoires, les autorités provinciales et territoriales gèrent les activités aquacoles, incluant l’émission des permis de sites aquacoles ainsi que de leur surveillance. Le rôle du MPO dans ces cas consiste à fournir des conseils et à apporter un soutien sur le plan scientifique.

Peu importe le territoire, le MPO fournit conseils et support sur le plan scientifique dans toutes les régions au Canada, puisqu’il assume le mandat général qui consiste à protéger le poisson sauvage en mer.

Le MPO est également responsable de l’émission des permis autorisant la libération et le transfert volontaire d’organismes aquatiques vivants dans les eaux où vivent les poissons et dans les eaux où l’on pratique l’élevage des poissons, et ce, dans toutes les provinces et sur tous les territoires, sauf le Québec (en eau douce), en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta où les fonctionnaires de ces provinces autorisent ces activités. Par exemple, si une entreprise aquacole demande le transfert d’animaux vivants vers les piscicultures en mer, elle devra demander l’approbation de nombreuses agences, incluant le MPO. Enfin, le MPO assume le mandat général qui consiste à protéger les populations de poissons sauvages en mer, de sorte que les impacts éventuels des activités aquacoles sur le poisson sauvage relèvent du MPO, et ce, peu importe la province.

D’autres ministères et organismes du fédéral participent également à la réglementation de l’industrie aquacole canadienne. Entre autres, la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada est chargée d’approuver les médicaments administrés dans les aliments, incluant ceux qu’on utilise dans la production aquacole. L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) participe à l’approbation des pesticides, comme ceux qu’on utilise pour lutter contre le pou du poisson. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) assure que le poisson cultivé et produit au Canada répond aux normes fédérales en matière de salubrité des aliments. L’ACIA doit également contrôler l’introduction et la propagation de maladies infectieuses graves chez les animaux aquatiques, en particulier celles causées par les pathogènes qui touchent le commerce international.

La gestion de l’aquaculture est donc fragmentée au Canada et la prise de décisions liées à la gestion de l’aquaculture par le MPO se limite à la Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard où le MPO rend les décisions concernant l’émission des permis, l’établissement des conditions des permis, ainsi que l’introduction et le transfert d’espèces dans l’environnement marin. Par exemple, si une entreprise désire s’implanter sur les côtes est et ouest au Canada, elle devra faire approuver des permis par les provinces (sauf à l’Île-du-Prince-Édouard) sur la côte est et par le MPO pour la Colombie-Britannique.

Par conséquent, la coordination des efforts de réglementation et de gestion est nécessaire entre les autorités du fédéral, des provinces et des territoires (FPT). Le Conseil canadien des ministres des pêches et de l’aquaculture (CCMPA) est un conseil FPT qui s’est engagé à collaborer de manière à favoriser le développement durable de l’aquaculture. Dans la Stratégie de développement de l’aquaculture de 2016-2019 du CCMPA, les différentes administrations et l’industrie se sont engagées à améliorer le soutien à la croissance économique régionale en investissant dans la science, dans la recherche et dans l’innovation.

Figure 1 : Infographie : Réglementation de la pisciculture au Canada

Infographie : Réglementation de la pisciculture au Canada

Source : Pêches et Océans Canada. Disponible à l’adresse http://www.dfo-mpo.gc.ca/aquaculture/publications/fish-farm-pisciculture-fra.htm.

Figure 1 - Version textuelle

Réglementation de la pisciculture au Canada

La gestion de la pisciculture est une responsabilité partagée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, mais elle diffère d'une province et d'un territoire à l'autre.

Toutes les activités de pêche au Canada sont assujetties à Loi sur les pêches. Les partenaires fédéraux travaillent ensemble pour s'assurer que le poisson est sain et salubre.

Zone de gestion Colombie britannique Reste du Canada Île-du-Prince-Édouard

Approbation du site
Déterminer l’emplacement possible de la ferme.

Partagé

Provincial

Partagé

Gestion du site
Surveillance du milieu (fond marin) où la ferme sera exploitée.

Provincial

Provincial

Fédéral

Exploitation et surveillance quotidiennes
Surveillance des activités piscicoles.

Fédéral

Provincial

Fédéral

Introductions et transferts
Gestion des mouvements prévus des œufs vivants et des poissons.

Partagé

Partagé

Partagé

Approbations des médicaments et des pesticides
Détermination des médicaments et pesticides pouvant être utilisés.

Partagé

Partagé

Partagé

Salubrité
Surveillance de la salubrité et de la qualité du poisson récolté et vendu sur les marchés canadiens et internationaux.

Fédéral

Fédéral

Fédéral

3. L’utilisation de la science dans la gestion de l’aquaculture au MPO

Le MPO fait principalement appel à trois programmes scientifiques pour soutenir la gestion, le développement et la durabilité de l’aquaculture au Canada. Ces programmes sont :

  1. Le Programme de recherche sur la réglementation de l’aquaculture (PRRA), qui vise à accroître les connaissances scientifiques sur les interactions entre l’aquaculture et les environnements aquatiques. Ce programme bénéficie d’un financement ministériel à l’interne et se déroule dans les centres de recherche du MPO. La recherche est confiée à des scientifiques du MPO, et on utilise ses résultats dans le cadre de la prise de décisions réglementaires et de l’élaboration de politiques.
  2. Le Programme coopératif de recherche-développement en aquaculture (PCRDA), qui encourage les activités de recherche et de développement axées sur la collaboration entre l’industrie aquacole et le MPO. Le programme met les représentants de l’industrie en lien avec les chercheurs du MPO pour améliorer la compétitivité et la durabilité de l’industrie aquacole canadienne. Les projets se déroulent principalement dans les centres de recherche du MPO, mais le travail de terrain peut également se dérouler aux sites aquacoles des industries ou dans les installations d’autres partenaires. Les projets sont proposés et financés conjointement par les producteurs aquacoles et le MPO.
  3. Le Programme d’interaction entre les écosystèmes et l’aquaculture (PIEA), qui vient d’être établi et qui vise à combler les lacunes complexes en matière de connaissances écologiques qui ne peuvent être résolues par les programmes de recherche susmentionnés . Le programme procure un financement devant permettre aux scientifiques du MPO de jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration de programmes/réseaux de recherche axés sur la collaboration avec l’industrie, le milieu universitaire, les organisations non gouvernementales, les groupes autochtones, ainsi que les partenaires internationaux. Le programme vise à contrer les effets indirects de l’aquaculture sur les populations sauvages et les effets des opérations aquacoles sur leur écosystème environnant.

Par conséquent, le MPO compte sur plusieurs mécanismes et activités qui lui permettent de baser ses décisions sur la science. De plus, des rapports de synthèse sur les questions de gestion particulières sont publiés par le Secrétariat canadien de consultation scientifique (SCCS), une structure interne du ministère conçue pour recueillir des conseils d’expert auprès des scientifiques oeuvrant au sein du gouvernement fédéral et d’organismes externes.

Enfin, dans la réponse au rapport de la Commission d’enquête Cohen sur le déclin des populations de saumon rouge du fleuve Fraser (2012), le MPO a entrepris une série d’études sur les interactions possibles des maladies avec le poisson sauvage pour tenter ainsi d’intégrer toutes les données scientifiques disponibles lors des futures évaluations de risques.

 

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5. Observations et recommendations générales

Le Comité s’est vu confier un mandat consistant à formuler des conseils et des recommandations dans trois domaines, soit l’utilisation des preuves scientifiques lors de la prise de décisions axées sur les risques; l'établissement des priorités des travaux scientifiques et la communication des résultats et des décisions de nature scientifique aux Canadiens.

L’examen que le Comité a réalisé a permis de constater que des procédés systématiques existent pour la recherche scientifique, et ce, tant en ce qui concerne l’amélioration des connaissances que la contribution aux décisions de réglementation. On dispose cependant d’une capacité limitée pour évaluer l’application des preuves scientifiques aux décisions plus vastes en matière de gestion de l’aquaculture ou l’ effet des efforts de gestion de l’aquaculture sur les niveaux de risque. L’étendue des preuves scientifiques qui a influencéune décision , et l’importance accordée par rapport à d’autres considérations (comme des considérations d’ordre commercial, socio-économique), constituent des facteurs importants. Malheureusement, l’information scientifique dont on tient compte dans certaines décisions en lien avec les règlements ou les politiques n’est pas facilement accessible, tout comme les résultats de la recherche qui sont difficiles à trouver sur le site Web du MPO.

Le Comité a souligné la fragmentation des activités scientifiques entre les régions et les endroits où les activités scientifiques de nature réglementaire et développementale semblent étroitement liées. Il a également précisé que le processus d'établissement des priorités scientifiques peut être trop internalisé et difficile à comprendre de l’extérieur du ministère.

De façon générale, le Comité recommande qu’on élabore un cadre intégré de gestion des risques (CIGR) qui peut être utilisé afin de promouvoir des procédés continus, proactifs et systématiques afin de comprendre, gérer et communiquer les risques selon une perspective organisationnelle. Par conséquent, une approche prudente s’impose, incluant l’identification des risques pertinents et la caractérisation de ces risques. On recommande l’adoption d’approches visant les écosystèmes régionaux à l’intérieur d’une vision nationale intégrée.

On recommande un système de consultation scientifique intégrée comprenant un conseiller scientifique ministériel, ainsi qu’un Comité consultatif externe sur l’aquaculture possédant une expertise en matière d’évaluation des risques. On s’assurera ainsi de la participation continue des groupes autochtones et des experts scientifiques de l’extérieur qui prodigueront des conseils sur les priorités scientifiques à long terme et sur les mécanismes permettant de mieux informer le processus décisionnel. On recommande également d’adopter un cadre scientifique ouvert, puisqu’il représente une occasion unique d’engager des relations constructives communautés, des intervenants et des experts scientifiques d’organisations externes.

Ces observations et l’ensemble des recommandations sont décrits plus en détail, ci-dessous, en réponse à chacune des questions relatives au mandat qu’on retrouve.

 

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6. Recommendations particulières

A. Conseils et recommandations sur la considération des preuves scientifiques dans la prise de décisions et l’élaboration des politiques axées sur les risques servant de base à la gestion de l’aquaculture.

  • Qu’est-ce qu’une décision axée sur les risques?

Une approche axée sur les risques pour la prise de décisions reconnaît que les gouvernements ne peuvent réglementer tous les risques ou réduire la probabilité d’un risque particulier à zéro et qu’il reste toujours un certain degré d’incertitude. Par conséquent, le processus décisionnel axé sur les risques consiste à poser des questions, telles : Dans quelle mesure est-il probable que d’éventuels problèmes surviennent? Quelle pourrait être la gravité de ces problèmes? Est-il possible de gérer ces éventuels problèmes?

La première étape de l’évaluation comparative des risques et de la réduction des risques consiste à dresser la liste de tous les risques. On devrait faire appel à l’analyse des risques dans le domaine de l’aquaculture pour évaluer les risques de l’aquaculture pour la société et l’environnement, ainsi que les risques attribuables à la société et à l’environnement (comme le changement climatique) pour l’aquaculture. L’intensité et les types d’impacts environnementaux de l’aquaculture dépendent de l’espèce récoltée, de l’intensité de la protection et du lieu de la pisciculture.

  • Preuve scientifique lors des évaluations des risques

L’évaluation des risques représente l’étape qui consiste à évaluer la preuve quant à la probabilité que survienne le risque et les conséquences qui s’y rattachent. Les évaluations des risques scientifiques reposent sur des normes et des processus stipulés et établis au sein de chaque discipline scientifique. L’évaluation repose sur les questions auxquelles on doit répondre en appui à l’éventuelle décision, mais elle se déroule à l’abri de toute influence politique ou de la part des décideurs.

  • Création et utilisation de preuves dans la gestion de l’aquaculture

Le MPO a élaboré l’Initiative d’évaluation des risques environnementaux dans le domaine de l’aquaculture (2015) pour soutenir l’évolution de la recherche dans le domaine de la gestion aquacole vers une approche écosystémique (figure 2). Ce cadre reposait sur un rapport d’avis scientifique à caractère technique intitulé « Les séquences d’effets liées à l’aquaculture des poissons, des mollusques et des crustacés » (2009), qu’on peut voir à la figure 3. Alors que le Cadre d’évaluation des risques environnementaux dans le domaine de l’aquaculture représente un cadre raisonnable, il ne tient pas compte des interactions mutuelles entre les facteurs de perturbation et les effets.

Figure 2 : Survol du processus d’évaluation des risques dans le cadre de l’initiative d’évaluation des risques environnementaux en lien avec la science aquacole.

Figure 2 : Survol du processus d’évaluation des risques dans le cadre de l’initiative d’évaluation des risques environnementaux en lien avec la science aquacole.

Source : Pêches et Océans Canada. Disponible à l’adresse http://www.dfo-mpo.gc.ca/aquaculture/sci-res/aserai-fra.htm

Figure 2 - Version textuelle

Communication des risques

  1. Objectifs de gestion de la protection
  2. Formulation du problème
    • Identification des dangers
    • Modèle conceptuel
    • Catégorisation (probabilité, conséquences et incertitude)
  3. Évaluation du risque
    • Évaluation de la probabilité
    • Évaluation des conséquences
    • Estimation du risque
  4. Avis scientifiques sur les risques (options d'atténuation, recherche, indicateurs)
  5. Examens par les pairs l'intermédiare du Secrétariat canadien de consultation scientifique
    • Document de recherche
    • Avis scientifique

 

Figure 3 : Composantes des séquences d’effets liées à l’aquaculture : Activités, catégories de facteurs de perturbation et effets

Figure 3 : Composantes des séquences d’effets liées à l’aquaculture : Activités, catégories de facteurs de perturbation et effets

Source : MPO. 2010. Avis scientifique sur les séquences d’effets liés à l’aquaculture des poissons, des mollusques et des crustacés. Secr. can. de consult. sci. du MPO, Avis sci. 2009/071. Disponible à l’adresse http://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/Library/339747.pdf

Figure 3 - Version textuelle

Composantes des séquences d’effets (SE) liées à l’aquaculture

Activités

  • Mise en place / retrait de l’infrastructure du site
  • Utilisation d’équipement industriel
  • Gestion du site et du stock

Catégories de facteurs de perturbation

  • Altération physique de la structure de l’habitat
  • Altération de la lumière
  • Bruit
  • Libération de produits chimiques et de litière
  • Libération / perte d’éléments nutritifs, d’organismes sauvages et d’autres matières organiques
  • Libération / perte de poisson
  • Libération d’agents pathogènes

Effets

  • Changement de la concentration de sédiments en suspension
  • Changement du débit d’eau
  • Changement de la concentration de contaminants (milieu benthique et colonne d’eau)
  • Changement de l’habitat (structure, couverture et végétation)
  • Changement de la productivité primaire
  • Changement du taux d’oxygène (milieu benthique et colonne d’eau)
  • Changement de l’accès à l’habitat / des voies de migration
  • Changement de la composition du substrat / de la géochimie
  • Changement de la quantité de nourriture disponible
  • Changement des populations / communautés de poissons sauvages
  • Changement de la santé des poissons sauvages et/ou d’élevage

Le principal processus interne que le MPO utilise pour gérer l’examen et la diffusion des preuves est coordonné par le Secrétariat canadien de consultation scientifique (SCCS) http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/index-fra.htm. Depuis la création du SCCS en 1998, le MPO a préparé tout près de 130 rapports du SCCS portant sur des sujets spécifiques à l’aquaculture. Cependant, le Comité a trouvé difficile de déterminer la façon dont les sujets d’étude étaient priorisés et choisis. De plus, il était difficile de déterminer si et comment les études réalisées avaient informé la prise de décision en matière de gestion. Par conséquent, on pourrait améliorer la transparence en adoptant un système mieux structuré pour répondre aux rapports du SCCS.

Recommandation 1 : Le MPO devrait mettre en place des pratiques exemplaires pour résumer les preuves scientifiques disponibles au sujet des risques dans le domaine de l’aquaculture. Cela comprend l’intégration du savoir autochtone et local, ainsi que l’utilisation d’examens systématiques, d’examens externes par les pairs et d’autres normes universellement acceptées.

Les méthodes de validation de la preuve doivent être intégrées au processus décisionnel scientifique. Le recours à des examens systématiques, l’opinion d’experts, le rassemblement structuré d’information de la part d’experts, ainsi que la pondération des preuves représentent quelques-unes des méthodes types qu’on peut utiliser pour améliorer la qualité des preuves et identifier, sur le plan des connaissances, les lacunes auxquelles on doit s’attaquer. L’intégration du savoir autochtone et des connaissances locales devrait constituer un aspect indissociable de ce processus.

Pour contribuer à mettre en œuvre cette recommandation, ainsi que les autres recommandations contenues dans le présent rapport, le Comité juge nécessaire que le MPO nomme un conseiller scientifique ministériel et qu’il mette sur pied un Comité consultatif externe sur l’aquaculture en insistant tout particulièrement sur l’expertise liée à la méthodologie sur la preuve, alors qu’ils fourniront tous deux des conseils au niveau décisionnel le plus élevé au MPO.

1.1 Intégrer le savoir autochtone et les connaissances locales dans la prise de décisions

On reconnaît de plus en plus la valeur du savoir autochtone et des connaissances locales dans les études consacrées au changement climatique, les évaluations environnementales et la gestion de la faune. Le MPO a la possibilité, en partenariat avec les peuples autochtones et les communautés locales, d’améliorer la gouvernance du processus de gestion de l’aquaculture de par la considération et l’intégration des peuples autochtones et la population locale dans la prise des décisions dans le domaine de l’aquaculture. Cette expertise réside au sein des communautés et pourrait donner lieu à la création d’un modèle sans précédent de décisions axées sur les risques dans le domaine de l’aquaculture.

1.2 Recourir à des examens systématiques

Les examens systématiques représentent une forme à la fois rigoureuse et transparente d’examen des études scientifiques actuelles pertinentes. Ils consistent, entre autres, à identifier, à résumer et à évaluer l’information provenant de toutes les sources (internationales et nationales), ainsi que les preuves, tant du point de vue quantitatif (incluant la méta-analyse, lorsqu’appropriée) que qualitatif afin de fournir une réponse axée sur la preuve à une question précise. Utilisés à l’origine dans le domaine des sciences médicales dans les années 1970 pour examiner l’efficacité des interventions dans le domaine des soins de santé, on les utilise maintenant dans un plus grand nombre de domaines pour soutenir la pratique qui consiste à baser les décisions sur des éléments de preuve dans différentes disciplines (Petticrew, 2001).

Les examens systématiques permettent de recueillir et d’analyser de façon critique de nombreux documents ou études de recherche en faisant explicitement appel à des critères d’inclusion et d’exclusion ou en ayant recours à la tabulation standard ou à l’évaluation de la qualité étude par étude. Le MPO devrait effectuer un examen systématique dans le cadre de son approche de collecte d’information et au moment d’évaluer la force et l’applicabilité de la preuve. Pour ce faire, on devra investir dans l’expertise dans le domaine de l’évaluation officielle des risques quantitatifs, incluant les méthodes de méta-analyse, au sein du MPO, ainsi qu’en collaborant et en établissant des relations au niveau universitaire pour assurer le développement continu d’une telle expertise.

1.3 Établir une liste pour effectuer des examens par les pairs

On procède à un examen externe pour s’assurer que les éléments probants utilisés sont rigoureux sur le plan technique, complets, pertinents, bien documentés et conformes aux critères de qualité établis. Un examen externe par les pairs procure une évaluation approfondie des hypothèses, des calculs, des extrapolations, des interprétations alternatifs, de la méthodologie, des critères d’acceptation, ainsi que des conclusions relatives au produit du travail scientifique ou technique, ainsi que des documents à l’appui. Pour éviter les conflits d’intérêts possibles et apparents, les évaluations devraient être réalisées par des individus qui possèdent l’expertise pertinente et n'ayant aucune implication dans les travaux examinés (CNR 2009).

Pour maintenir un bassin d’experts compétents, le ministère devrait chercher à créer une base de données (bassin) interne d’éventuels experts de grande qualité dans différents domaines, comme la toxicité et la méta-analyse. On pourrait ajouter à ce bassin, au besoin, d’autres sources d’information, comme les références, la recherche documentaire, les sociétés professionnelles, les universités, les gouvernements d’autres pays qui ont mis en place des programmes éprouvés d’évaluation des risques pour la santé humaine et les écosystèmes, ainsi qu’à des appels publics lancés à des experts.

1.4 Solliciter des conseils d’expert pour évaluer la qualité de la preuve et fournir des mesures de remplacement au manque de connaissances

La demande de conseils d’expert est une méthode qui permet de corriger les lacunes sur le plan des connaissances dans les cas où les données ou les preuves scientifiques sont rares, absentes ou présentement inaccessibles. Une méthode structurée pour donner des conseils d’expert, soit la « Méthode classique » de Cooke (1991) traite les jugements d’experts comme des données statistiques afin de réduire les jugements qui manquent d’objectivité. Dans la méthode de Cooke, on évalue l’opinion d’un expert par rapport à la question cible en se basant sur le rendement des questions semées (dont on connaît les réponses a priori), en tenant compte de la précision statistique et du caractère informatif incertain des réponses aux questions semées. Une conséquence importante de cette pondération axée sur le rendement est que les opinions des experts qui répondent mieux aux questions semées se voient accorder davantage d’importance au moment d’interpréter les réponses des experts aux questions cibles (dont on ignore les réponses, mais qui sont importantes aux fins d’évaluation du risque) (Cooke, 1991; Marquart et al., 2012; Boobis et al., 2013).

1.5 Attribuer une valeur à la qualité de la preuve

La cotation de la qualité de la preuve est intégrée au concept du poids des éléments probants, un terme fréquemment employé dans la documentation publiée sur des sujets scientifiques et sur l’élaboration des politiques, alors qu’on l’emploie plus souvent dans le domaine de l’évaluation des risques. À cet égard, la cotation de la qualité des éléments probants peut procurer des critères et des directives détaillés pour évaluer la qualité inhérente des données, rendant ainsi les décisions rendues dans le cadre de l’attribution des différents types d’éléments probants aux catégories de fiabilité plus transparentes, mieux structurées et mesurées (Lutter et al., 2015; Klimisch et al., 1997).

Recommandation 2 : En consultation avec le conseiller scientifique ministériel, le MPO devrait recourir aux pratiques exemplaires pour caractériser et comprendre les risques et les impacts éventuels qui sont associés à l’aquaculture.

Pour évoluer vers un paradigme de décisions axées sur les risques, le MPO doit élaborer une liste détaillée des risques pertinents. Il s’agit là d’une première étape d’un processus comparatif d’évaluation et de réduction des risques. De plus, cette liste des risques devrait faire l’objet d’un examen régulier. Cette liste aidera les décideurs à planifier et à réaliser les évaluations des risques et à sélectionner les stratégies de gestion les plus appropriées. L’information sur les différents types de décisions axées sur les risques, ainsi que les approches de gestion connexes peuvent être élaborées à l’étape de formulation du problème et faire l’objet d’un suivi uniforme au cours des étapes subséquentes d’évaluation et de gestion.

2.1 Mettre à jour le cadre des séquences des effets liées à l’aquaculture

L’actuel cadre des séquences des effets liées à l’aquaculture résulte d’un rapport consultatif scientifique de 2009 produit par le SCCS du MPO (figure 3). Il présente 7 facteurs de perturbation et 11 effets. On ignore avec certitude si on a utilisé ce cadre aux fins des décisions axées sur les risques. Une première étape afin d’identifier les risques éventuels et comprendre leur impact sur l’environnement marin consisterait à mettre ce cadre à jour en utilisant les connaissances et les preuves scientifiques les plus récentes. Un tel exercice doit se dérouler conformément aux pratiques exemplaires qu’on a présentées dans la recommandation 1.

2.2 Élaborer des indicateurs de rendement qu’on utilisera dans le cadre de l’évaluation du programme d’aquaculture

Les indicateurs de rendement pour la réduction des risques ne sont pas clairement liés aux tâches d’inspection et aux principes scientifiques élémentaires. Le MPO devrait commencer par définir ses objectifs de gestion en ce qui a trait aux risques environnementaux connus; déterminer les indicateurs de rendement qui sont les plus efficaces pour mesurer le risque et la réduction du risque; améliorer ses indicateurs de rendement pour tous les risques; et cerner les seuils, les éléments déclencheurs, les niveaux acceptables/inacceptables et les valeurs de références. Le MPO doit établir les attentes et le niveau anticipé de réduction des risques lors de chacune des interventions.

2.3 Offrir une formation sur l’évaluation officielle des risques pour assurer la disponibilité de ressources humaines adéquates

Le MPO devrait déterminer les compétences et l’expertise nécessaires afin de procéder aux évaluations des risques. De plus, des problèmes de capacité pourraient éventuellement résulter de l’attrition, d’un manque de personnel de remplacement, d’une perte du savoir institutionnel et de la perte d’expertise. Pour contrer et minimiser les lacunes sur le plan des compétences, le MPO peut adopter une attitude proactive en assurant la formation continue de ses ressources humaines actuelles. Le personnel moins expérimenté pourrait profiter de la formation spécialisée dans l’évaluation des risques de nature qualitative et quantitative, dans le domaine des logiciels statistiques, de l’analyse des coûts-avantages et des coûts-efficacité, ainsi que lors des discussions de groupe structurées où l’on réfléchit de manière critique à l’effet que les nouveaux enjeux peuvent avoir sur la gestion de l’aquaculture.

Recommandation 3 : Le MPO devrait recourir à des méthodologies quantitatives et à des approches scientifiques axées sur les risques pour élaborer un cadre intégré de gestion des risques (CIGR) qui assureront la prise en compte de tous les facteurs pertinents dans les décisions liées à l’aquaculture.

On peut faire appel à un CIGR pour favoriser un processus systématique, proactif et continu pour comprendre, gérer et communiquer les risques d’une façon cohérente et uniforme. Le cadre intégré sur la gestion des risques et la santé de la population (Krewski et al., 2007) représente un exemple de cette approche que le MPO pourrait utiliser. Le cadre est structuré de manière à favoriser la prise de décisions, alors qu’on tient compte d’entrée de jeu d’un vaste éventail d’options en matière de gestion des risques. La mise sur pied d’un CIGR aiderait également le MPO à répondre rapidement aux nouveaux enjeux de manière transparente.

Parmi les facteurs qu’on n’aborde présentement pas dans les cadres de gestion des risques du MPO ou qui n’occupent pas une place évidente dans les processus décisionnels, mentionnons l’établissement de niveaux de tolérance au risque et les déclencheurs des mesures de réglementation. On devrait développer chaque facteur en se basant sur des conseils d’experts pour les appliquer dans le contexte de l’aquaculture.

Il faudrait définir les critères spécifiques à l’aquaculture et les paramètres connexes. Cela comprend les types de perturbations ou les résultats défavorables dont on devrait tenir compte, les éléments vulnérables qui sont exposés au risque (comme certaines espèces particulières et certains éléments de l’habitat), ainsi que les types de conditions pouvant donner lieu à une augmentation du risque ou de la gravité de ces perturbations. On pourrait également élaborer des stratégies de gestion par étapes auxquelles on pourrait avoir recours en fonction de la gravité soupçonnée du risque et de l’impact et les utiliser pendant un temps limité. On reconnaît, dans les approches décisionnelles axées sur le risque, qu’il n’est pas nécessaire que tous les dangers soient sans conséquence avant que les décisions soient rendues. On devrait rendre la preuve scientifique sous-jacente aux décisions réglementaires explicite et accessible et on devrait communiquer les décisions qui en découlent.

3.1 Établir un cadre intégré de gestion des risques (CIGR)

Un élément clé du CIGR consiste dans ce qu’une évaluation détaillée d’un facteur de risque particulier qui est associé à des résultats défavorables spécifiques demande la prise en compte d’autres déterminants de ces résultats, ainsi que des interactions entre le facteur de risque qui nous intéresse et ces déterminants. Les stratégies de gestion des risques tiennent également compte de facteurs réglementaires, économiques, consultatifs, communautaires, écologiques et technologiques. Le CIGR pourrait également comporter des méthodes d’intervention rapide lorsque surviennent de nouveaux enjeux et pour améliorer la transparence du processus décisionnel. Le MPO pourrait élaborer un cadre intégré de gestion des risques spécifique à l’aquaculture, comme on peut le voir à la figure 4, et qui ressemble à celui élaboré pour l’essai de toxicité in vitro à grande capacité (Krewski et al., 2014).

SUne telle approche est conforme à la Loi canadienne sur l’évaluation d’impact (projet de loi C-69) dans laquelle on demande une phase de planification précoce visant à recueillir les commentaires des Autochtones et de la communauté et qui comprend une évaluation des impacts éventuels de façon plus générale, incluant la santé, les conditions environnementales et les conditions socio-économiques. De plus, cette approche se prête parfaitement au processus décisionnel et à l’élaboration des politiques axés sur les risques à l’échelle d’un site ou d’une région. De plus, elle favorise un engagement plus vaste de la part des intervenants et de la communauté en plus de rehausser la transparence et la responsabilisation.

Figure 4: Prototype de cadre intégré de gestion des risques pour l'aquaculture basé sur un modèle de CIGR de la santé de la population

Figure 4: Prototype de cadre intégré de gestion des risques pour l'aquaculture basé sur un modèle de CIGR de la santé de la population

Source : Adapté de Krewski D., Hogan V., Turner M.C., Zeman P.L., McDowell I., Edwards N., et Losos J. 2007. An Integrated Framework for Risk Management and Population Health. Human and Ecological Risk Assessment 13: 1288-1312.

Figure 4 - Version textuelle

Figure 4: Prototype de cadre intégré de gestion des risques pour l'aquaculture basé sur un modèle de CIGR de la santé de la population

Prise de décision basée sur le risque

  • Principes de gestion du risque
  • Analyse économique
  • Considérations sociopolitiques
  • Perceptions du risque

Description du risque et incertitude

  • Qualité des preuves
  • Lacunes dans les connaissances
  • Opinion d'expert
  • Contribution des intervenants
  • Faire preuve de précaution

Description des dangers

  • Conformité de l'industrie
  • Agents pathogènes
  • Parasites
  • Agents chemothérapeutiques
  • Produits chimiques (ex. agent antialissure)
  • Déchets et pollution (en provenance des sites et vers ceux-ci)
  • Risques pour la santé humaine : la sécurité alimentaire
  • Risques environnementaux liés à l'évasion des poissons
  • Risques environnementaux pour l'environnement local (liés aux sites)
  • Risques environnementaux pour les élevages à cause des polluants dans l'eau (résidus miniers et industriels, contaminants des eaux usées)
  • Risques financiers pour l'élevage du saumon et les communautés locales
  • Risques pour l'approvisionnement en nourriture des peuples autochtones
  • Considérations sociales (perception du risque, confiance dans le gouvernement, acceptabilité publique des risques liés à l'évage du saumon)

Déterminants et interactions

  • Biologique et génétique
  • Environnemental et lié au travail
  • Social et comportemental

Formulation du problème et de son étendue

  • Contexte de risque
  • Options pour la prise de décision
  • Valeur de l'information
 

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B. Conseils et recommandations sur le processus d’établissement des priorités dans le cadre des travaux scientifiques dans le domaine de l’aquaculture à Pêches et Océans Canada.

La majeure partie des activités dans le domaine des sciences et de la recherche au gouvernement fédéral en matière d’aquaculture sont réalisées, financées ou gérées par le MPO par l’entremise de différents programmes, qui relèvent du Programme d’aquaculture durable. Le MPO participe à deux principales formes de diffusion d’information :

  1. La production de nouvelle information dans le cadre de la réalisation ou du financement d’études de recherche, ainsi que la collecte d’information et de données par la surveillance et d’autres activités de gestion de l’aquaculture que réalise le MPO; et
  2. Des activités réglementaires, comme les inspections, les sondages et les audits que réalisent le MPO et des exploitants d’installations conformément à leurs permis.

Toutes les activités de recherche portent sur des sujets prioritaires définis dans plusieurs programmes de recherche et plans de recherche essentiels, alors que l’information recueillie dans le cadre d’activités de surveillance et d’activités réglementaires est déterminée par des critères définis dans les exigences et les réglemements des programmes.

Un processus idéal d’établissement des priorités dans le domaine de la science aquacole permet de combler les lacunes sur le plan des connaissances réglementaires, détermine les seuils des efforts de réglementation et surveille l’efficacité des mesures. Ce processus devrait comprendre la prise en compte de manière proactive des priorités liées au cadre des politiques. Par-dessus tout, il doit être conforme au mandat premier du MPO qui concerne la pêche durable (incluant l’aquaculture) et la protection des océans.

Tel que souligné ci-dessus, il s’agit là des trois principaux processus scientifiques dans le domaine de l’aquaculture au MPO :

  1. Le Programme de recherche sur la réglementation de l’aquaculture (PRRA), conçu pour accroître le savoir scientifique et informer la prise de décisions réglementaires et l’élaboration des politiques.
  2. Le Programme coopératif de recherche-développement en aquaculture (PCRDA), qui vise à mener des recherches pour aider le secteur aquacole à améliorer la gestion de la santé du poisson et la durabilité environnementale des opérations aquacoles au Canada; et
  3. Le Programme d’interaction entre les écosystèmes aquacoles (PIEA), conçu pour combler le les lacunes dans les connaissances qui peuvent difficilement être comblées dans le cadre des deux premiers programmes.

De plus, le MPO lançait en 2017, dans le cadre de l’engagement du gouvernement du Canada visant à soutenir des technologies propres, le Programme d’adoption des technologies propres pour les pêches et l’aquaculture (PATPPA). Dans le cadre de ce programme, on investit jusqu’à 20 millions de dollars sur quatre ans pour encourager les industries des pêches et de l’aquaculture au Canada à recourir aux technologies propres et à réduire l’impact environnemental de ses activités. Les investissements dans la science qui favorisent les innovations dans les pratiques aquacoles plus propres, comme le traitement des eaux usées et les technologies de confinement fermé, peuvent contribuer à protéger l’environnement tout en améliorant la compétitivité et en créant des emplois pour les Canadiens.

Le MPO publie tous les deux ans un document intitulé R&D en aquaculture au Canada dans lequel on retrouve la liste des projets de R&D réalisés au Canada, et ce, peu importe s’ils sont financés ou non par le MPO. La plus récente version publiée, qui remonte à 2017, comporte une liste des programmes suivants du MPO qui favorisent un examen des activités aquacoles : Le PCRDA et le PRRA, qu’on a décrits ci-dessus, ont créé un « Fonds pour le partenariat » d’une valeur de 5 millions de dollars par année, ainsi que l’Initiative de R-D en génomique (IRDG) qui soutient le recours à la génomique pour gérer l’aquaculture et la pêche sauvage. Le Groupe national consultatif sur les contaminants (GNCC) y est également mentionné. D’après le site Web du programme (http://www.dfo-mpo.gc.ca/science/environmental-environnement/ncag-gncc/index-fra.html), le GNCC collabore avec les scientifiques d’organisations externes pour soutenir la recherche et obtenir une expertise dans quatre domaines prioritaires généraux, incluant les produits thérapeutiques utilisés en aquaculture.

Le Comité considère que la vision globale des objectifs dans les domaines des sciences et de la recherche aquacoles au MPO est vague et que les processus utilisés pour établir les priorités de recherche manquent de transparence. Par exemple, le moment où l’on a tenu compte des enjeux régionaux liés aux écosystèmes n’était pas clair. De plus, le processus d’approbation du financement semble être strictement interne et sa responsabilité avec les subalternes du SCCS n’est pas évidente. Il est essentiel d’articuler une vision à long terme pour la science liée à l’aquaculture et les objectifs à court et à plus long terme. L’identification des risques et des impacts potentiels, ainsi que l’élaboration d’évaluations des risques pertinentes, telles que proposées dans la recommandation 2, devraient faciliter l’établissement des priorités. L’adoption de normes universellement acceptées en matière d’examen externe par les pairs, qu’on évoque dans la recommandation 1, aurait pour effet de consolider l’exercice d’établissement des priorités, ainsi que le déroulement efficace de la recherche pertinente dans le domaine de l’aquaculture au MPO grâce à la collaboration avec des scientifiques extra-muros. Le Comité effectue la recommandation suivante pour améliorer le processus d’établissement des priorités dans le domaine de l’aquaculture :

Recommandation 4 : Le MPO devrait mettre sur pied un Comité consultatif externe sur l’aquaculture.

Le Comité considère que les processus scientifiques dans le domaine de l’aquaculture au MPO ne sont généralement pas transparents aux yeux du public ou de la communauté scientifique extérieure. Le Comité recommande qu’avec l’aide du conseiller scientifique du MPO et/ou le conseiller scientifique en chef du gouvernement, le MPO procède à la mise sur pied d’un Comité consultatif externe sur l’aquaculture. Un tel organisme de consultation externe pourrait aider le MPO à établir en matière de recherche des priorités qui correspondent à sa vision de manière transparente. Il prodiguerait également des conseils impartiaux sur la faisabilité des projets de recherche et leur excellence scientifique, établirait des collaborations avec des scientifiques d’organisations externes et aiderait à la communication des résultats scientifiques. Constitué de scientifiques, le comité pourrait également comprendre des représentants des communautés autochtones et locales.

Recommandation 5 : Le MPO devrait élaborer une vision scientifique claire et globale, ainsi qu’un plan de recherche pluriannuel correspondant avec l’aide du conseiller scientifique ministériel et du Comité consultatif externe sur l’aquaculture.

L’élaboration d’un plan de recherche intégré dans le domaine de l’aquaculture serait grandement facilitée par l’adoption d’un CIGR pour l’aquaculture, comme le prévoit la recommandation 3. La détermination de lacunes sur le plan des connaissances devrait orienter les priorités de recherche dans le domaine de la science réglementaire et cerner les secteurs dont les innovations technologiques sont le plus susceptibles de soutenir le développement de l’aquaculture durable. Un tel exercice intégré d’établissement des priorités tiendrait clairement compte des spécificités des écosystèmes régionaux, et la priorisation serait accordée de manière à soutenir les raffinements en ce qui concerne les besoins en matière d’évaluation des risques au MPO.

Dans le cadre de cet exercice, le MPO doit déterminer les activités de recherche qu’on réalisera à l’intérieur du ministère (intramurales) et les objectifs de recherche devant être atteints par le biais de collaborations. Cette façon de faire aidera le MPO à s’assurer que ses effectifs scientifiques et ses infrastructures de recherche peuvent soutenir ses programmes scientifiques.

Recommandation 6 : Le Comité consultatif externe sur l’aquaculture devrait, sous la direction du conseiller scientifique ministériel, procéder à un examen externe par les pairs des plans et des priorités de la recherche.

Conformément aux recommandations énoncées ci-dessus, le MPO devrait envisager d'intégrer l'examen externe par des pairs à la conduite normale de l'élaboration de son plan de recherche, de l'approbation du financement et de l'évaluation des projets. L’examen externe par les pairs procure l’avantage additionnel d’identifier les collaborations et les partenariats possibles avec des organisations externes. La mise sur pied du Comité consultatif externe sur l’aquaculture contribuera grandement à l’identification d’examinateurs et de collaborateur convenables.

Recommandation 7 : Le conseiller scientifique ministériel devrait, avec la participation du Comité consultatif externe sur l’aquaculture, établir des directives claires concernant les programmes scientifiques du MPO soutenant la gestion de l’aquaculture d’une part et les pratiques émergentes dans le domaine de l’aquaculture d’autre part.

Le MPO s’occupe de science réglementaire pour soutenir la gestion de l’aquaculture, mais également de science non réglementaire visant principalement à accroître la compétitivité et la durabilité de l’industrie aquacole canadienne. Ce double rôle pourrait s’accompagner de conflits d’intérêts apparents ou parfois même véritables.

Alors que les résultats des efforts scientifiques réglementaires et non réglementaires peuvent s’informer et se soutenir mutuellement, une pratique recommandée consiste à établir, pour chaque programme, des objectifs, des directives et des processus d’adjudication, ainsi que des critères d’admissibilité spécifiques à chaque activité. Pour réduire les éventuels conflits d’intérêts, le Comité recommande la mise en place dès le départ de directives claires portant sur le but de la recherche et sur sa gestion, sur la contribution de toutes les parties, les déclarations de conflits d’intérêts, les droits de propriété intellectuelle, ainsi que la diffusion des résultats de la recherche et des travaux scientifiques.

Le Comité encourage le MPO à élaborer et à mettre en application un cadre sur les conflits d’intérêts qui confirme la crédibilité de ses rôles au niveau de l’évaluation, de la gestion et de la communication des risques réglementaires, en particulier en ce qui concerne les partenariats et les programmes extramuraux.

Pour tous les programmes de recherche, le MPO devrait divulguer publiquement ses priorités en matière de recherche, les processus d’adjudication et les projets qu’il décidera ultimement de financer. Conformément à la recommandation 3, les résultats des recherches du MPO doivent être diffusés publiquement en temps opportun. De plus et conformément aux pratiques exemplaires à l’échelle internationale, le MPO devrait commander des évaluations extramurales de ses programmes de recherche sur une base cyclique.

En donnant suite à cette recommandation, le MPO peut trouver utile d’examiner les pratiques et les programmes actuels au sein d’organisations internationales comparables. Par exemple, le programme des sciences et de la recherche en aquaculture à la U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) comprend le Saltonstall Kennedy Grant Program, le NOAA Small Business Innovation Research Program, la Sea Grant National Aquaculture Initiative, ainsi que des projets pilotes régionaux dans le domaine de l’aquaculture, qui sont tous assortis d’objectifs et de processus d’application clairs.

Recommandation 8 : Le MPO devrait modifier les processus d’établissement des priorités scientifiques afin de tenir compte, comme il se doit, des priorités régionales en faisant appel à une approche écosystémique intégrée.

Le PRRA fait appel à un processus interne pour établir ses priorités scientifiques annuelles qui sont examinées collectivement par le personnel du MPO de toutes les régions du Canada. Ce processus comprend un appel de propositions et une révision de la part de la gestion pour s’assurer que les résultats des travaux scientifiques contribuent directement aux priorités scientifiques nationales. Un programme national est avantageux, puisqu’on peut harmoniser ses ressources avec l’expertise scientifique, et ce, peu importe la région, réduisant ainsi la duplication des efforts. De plus, un programme centralisé permet d’améliorer la communication entre les partenaires et de réduire le nombre d’individus travaillant en vase clos, ce qui permet aux scientifiques d’apprendre ses développements réalisés au sein d’autres secteurs.

La gestion de l’aquaculture devrait être prévoyante et avant-gardiste, alors que le MPO devrait prévoir effectuer la recherche nécessaire pour appuyer les prises de décision futures. Le MPO devrait schématiser toutes les activités qui ont un impact sur l’écosystème marin et sur les services aux écosystèmes à l’échelle régionale et locale afin de définir ainsi les priorités scientifiques du processus décisionnel. BarentsWatch (https://www.barentswatch.no/en/) en Norvège nous présente un bon exemple de transparence des activités aquacoles pouvant éclairer les décisions publiques.

Les progrès réalisés en vue d’atteindre les objectifs doivent faire l’objet d’un examen régulier et servir de base chaque fois qu’un programme doit faire l’objet d’un ajustement. Les résultats de la recherche devraient être diffusés publiquement au moment opportun après avoir fait l’objet d’un examen par les pairs, et ce, sous forme de rapport technique ou de manuscrit scientifique publiés. Conformément aux pratiques exemplaires à l’échelle internationale, il est important de préciser clairement les sources de financement pour la recherche dans ces publications.

 

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C. Conseils et recommandations sur les possibilités d’améliorer la communication aux Canadiens des résultats scientifiques et des décisions qui en résultent.

À titre de principal ministère fédéral responsable des questions d’aquaculture, le MPO occupe une place privilégiée pour faire connaître les résultats de la recherche scientifique dans le domaine de l’aquaculture, la façon dont on utilise les preuves scientifiques pour rendre les décisions en matière d’aquaculture et les décisions en tant que telles. Effectivement, on doit voir le MPO comme une source fiable d’information sur l’aquaculture en raison de l’importance de plus en plus grande que le public accorde à la durabilité environnementaleainsi qu’à la sécurité sanitaire et alimentaire. Cela pourrait représenter un défi considérant le paysage fragmenté de la réglementation au Canada. Il s’agit là néanmoins d’une responsabilité importante pour l’intérêt public en cette époque marquée par les nombreuses sources d’information non vérifiées et les messages contradictoires qui érodent la confiance publique.

Un plan de communication efficace viserait à assurer un engagement continu de la communauté et des intervenants. L’adoption d’un cadre intégré de gestion des risques, comme on le mentionne dans les recommandations 1, 2 et 3, favorisera un tel engagement. La communication proactive des preuves et des résultats de la recherche dans un format abrégé accessible aux non-experts est essentielle et contribue à rehausser la culture scientifique et la compréhension des questions liées à la science. Dernier point, mais tout aussi important, l’adoption d’un cadre scientifique ouvert, incluant les recommandations 5, 6 et 7, représente la clé lorsqu’il s’agit de bâtir la confiance du public et d’améliorer la communication des constatations scientifiques avec les experts et la population en général.

Ces trois considérations (communications efficaces, communications proactives et cadre scientifique ouvert) doivent se trouver au cœur d’un plan harmonisé de communication scientifique sur l’aquaculture qui fait appel à tous les outils modernes disponibles permettant de communiquer de manière efficace avec les différents groupes d’intervenants. Pour atteindre ces objectifs, on pourrait devoir envisager des améliorations audacieuses à la stratégie de communication du MPO. Le Comité présente les recommandations précises suivantes.

Recommandation 9 : Le MPO devrait élaborer un plan de communication proactif lié aux sciences de l’aquaculture. Un tel plan doit comprendre le remaniement du site Web sur l’aquaculture.

Étant un véhicule essentiel de partage de l’information, le site Web sur l’aquaculture du MPO doit être repensé de manière à faciliter l’accès à l’information sur les sciences de l'aquaculture, aux publications scientifiques, ainsi qu’à l’information sur les activités scientifiques au MPO. Le Comité a parfois trouvé difficile d’accéder à l’information sur les rapports scientifiques, les programmes de recherche et les résultats des recherches. La création d’un portail unique sur l’aquaculture organisé en fonction du public cible représenterait une étape importante. Les catégories de public pourraient inclure les consommateurs, la population en général, les scientifiques et l’industrie. Une telle approche permettrait de communiquer au niveau approprié l’information sur les conclusions scientifiques, les incertitudes dans le domaine des sciences, ainsi que les décisions ayant un fondement scientifique. On devrait intégrer une « foire aux questions » assortie de thèmes pouvant être cherchés et de réponses faciles à comprendre. Le portail comprendrait de l’information sur les consultations publiques et les événements publics à venir, ainsi que des liens menant à d’autres sources d’informations de confiance et pertinentes.

Reconnaissant que les priorités scientifiques reflètent les responsabilités sur le plan réglementaire qui concernent plusieurs paliers de gouvernement, il pourrait être nécessaire que le MPO communique clairement son autorité et élabore des stratégies de communication à l’échelle régionale. Ce processus devrait comprendre l’identification des besoins de tous les publics, alors qu’on devrait reconnaître que, dans le domaine de l’aquaculture, il pourrait ne pas exister d’approche unique en matière de communications et d’engagement. Avant de rendre ses décisions qui présentent un intérêt important aux yeux de la population, le MPO devrait envisager de recourir à des moyens de communication autres que le Web, comme les séances de discussion ouverte, les exposés techniques, les symposiums et les assemblées publiques.

L’élaboration et le déploiement d’un plan de communication proactif feraient appel à des experts spécialisés en matière de communications scientifiques et de rayonnement public, ainsi qu’à une interaction étroite avec les scientifiques du MPO. Le plan de communication doit comprendre un système continu de suivi et d’évaluation pour assurer la pertinence et l’atteinte efficace des buts énoncés.

Recommandation 10 : Le MPO devrait adopter et mettre en œuvre un cadre scientifique ouvert pour l’aquaculture et élaborer des alliances stratégiques dans le domaine des communications et de la vulgarisation scientifiques.

La science ouverte contribue à bâtir la confiance au sein de la population en plus de soutenir la collaboration multidisciplinaire et multisectorielle et de stimuler l’innovation. Le MPO réalise régulièrement des activités de recherche scientifique, de surveillance et de synthèse des connaissances qu’il utilise aux fins de ses décisions en exploitant son propre financement et ses partenariats. Conformément aux recommandations formulées précédemment, l’information sur ces activités et sur leurs résultats devrait être facilement accessible sur le portail de l’aquaculture du MPO. L’information porterait, entre autres, sur l'établissement des priorités des activités scientifiques et comporterait des conseils de nature scientifique. Une liste détaillée des projets de recherche dans le cadre de chaque programme, ainsi que des publications qui en découlent doit être facilement accessible. Un résumé de chaque publication, incluant les rapports du SCCS, les travaux des congrès et les avis, améliorerait grandement l’accès public aux activités scientifiques du MPO. L’élaboration d’une stratégie scientifique ouverte représente une occasion d’améliorer la communication aux Canadiens des résultats dans le domaine des sciences de l’aquaculture et pourrait faire du MPO un chef de file en matière de communications scientifiques.

Les activités dans le domaine des communications scientifiques au MPO peuvent atteindre le double but qui consiste à informer les citoyens tout en contribuant aux grands objectifs de l’éducation scientifique. Il pourrait être intéressant de mettre à contribution les pratiques exemplaires et les succès qu’on a connus dans les autres domaines axés grandement sur la science qui présentent certains éléments d’incertitude inhérents (comme la santé humaine). Mentionnons, entre autres, les partenariats avec le Centre canadien Science et Médias et le Musée des sciences et de la technologie du Canada, les grands aquariums, ainsi que les autres musées d’histoire naturelle. De telles alliances stratégiques permettront de rejoindre les Canadiens au-delà de ceux qui s’inscrivent sur les médias sociaux du MPO afin que les renseignements scientifiques sur l’aquaculture deviennent ainsi disponibles dans les endroits accessibles au public.

 

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7. Conclusion

Le processus décisionnel dans le domaine de l’aquaculture est fragmenté au Canada entre les juridictions et les ministères fédéraux. La prestation de conseils scientifiques constitue néanmoins une responsabilité pancanadienne pour le MPO et, par conséquent, une façon d’apporter un soutien à toutes les juridictions au cours de leurs délibérations sur la réglementation.

Les défis et les possibilités varient sur nos trois côtes, alors qu’elles dépendent des espèces élevées, de l’environnement local et des autres activités qui s’y déroulent. En adoptant une approche systématique et intégrée au niveau écosystémique et des pratiques exemplaires en matière de décisions axées sur les risques, le MPO a la possibilité d’élaborer un plan de recherche sur plusieurs années qui profiterait des conseils et de l’examen des experts d’organisations externes. Un tel plan tiendrait compte séparément des priorités réglementaires et des pratiques nouvelles dans le domaine de l’aquaculture, reconnaissant ainsi l’importance de l’innovation lorsqu’il s’agit d’atténuer les risques et les impacts de l’aquaculture écologique. Une participation continue accrue des intervenants dans le contexte d’un processus scientifique ouvert viendrait rehausser la confiance du public et la compréhension scientifique.

 

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