Surveillance des maladies causées par ECVT au Canada

La surveillance des agents pathogènes d'origine alimentaire est essentielle à la planification et à la gestion des programmes de salubrité des aliments, car elle vise à détecter et à prévenir les infections d'origine alimentaire tout en fournissant des données probantes que les aliments passant par la chaîne alimentaire sont sans danger pour les consommateurs. Les systèmes de surveillance recueillent habituellement des renseignements provenant de nombreuses sources pour fournir une vue d'ensemble d'une maladie en particulier au sein de la collectivité, des sources potentielles de celle-ci et pour déterminer les secteurs où des points de contrôle peuvent être mis en place. Par conséquent, un système de surveillance des maladies d'origine alimentaire vise à :

  • déterminer l'ampleur et surveiller les tendances des infections d'origine alimentaire;
  • déclarer les éclosions d'infections d'origine alimentaire à un stade précoce afin de mettre en oeuvre des mesures de contrôle, y compris les rappels de produits;
  • déterminer le rôle des produits alimentaires sur la maladie humaine, les comportements à risque et les populations vulnérables;
  • fournir des renseignements pour la comparaison des interventions, des mesures directes et pour faire progresser les politiques en matière de santé publique liées aux infections d'origine alimentaire;
  • évaluer l'efficacité des activités de salubrité des aliments et des interventions en santé publique, et mesurer le rendement.

Afin que l'infection soit détectée par un système de surveillance, une personne doit obtenir des soins médicaux, être priée de présenter un échantillon clinique, doit fournir un échantillon clinique aux fins d'analyse, une analyse doit être effectuée avec succès par des laboratoires privés et hospitaliers et un rapport doit être présenté aux niveaux provincial, territorial et national. Cette complexe chaîne d'activités établit des limites importantes sur la capacité de tout système de surveillance pour déterminer les cas, ce qui contribue à la sous-déclaration des maladies d'origine alimentaire. En outre, la collecte de données de surveillance peut être effectuée au moyen de différents mécanismes, dépendamment des ressources disponibles, allant d'aucun système de surveillance officiel à un système de surveillance en continuum de la salubrité des aliments entièrement intégré. Dans les cas où aucun système officiel n'est en place, la détermination de cas peut être fondée sur les absences scolaires, les maladies après un événement ou dans un milieu fermé (p. ex., centre de soins de longue durée), ou d'autres mesures communautaires. Même si cela peut permettre de détecter les éclosions ou les grappes de maladie, cela ne fournira pas de renseignements sur les tendances ou les maladies surviennent en dehors de ces groupes, ni ne permettra de déterminer l'organisme responsable de la maladie. De même, un système de surveillance syndromique fondé sur les définitions de cas normalisées ou sur les ventes de produits pharmaceutiques ne recueille pas de renseignements sur l'organisme responsable de la maladie ou de renseignements démographiques ou d'exposition liés au cas, mais il peut fournir des renseignements limités sur les tendances.

Au Canada, la surveillance nationale d'ECVT est effectuée par l'entremise de différents systèmes de surveillance coordonnés par l'ASPC. Il est reconnu que la plupart des cas de diarrhée aiguë se résolvent spontanément, mais il y a certaines circonstances qui nécessitent l'analyse d'échantillons, en particulier à des fins de signalements à la santé publique. En 2011, les lignes directrices sur le moment d'effectuer l'analyse et de traiter les cas de diarrhée infectieuse ont été publiées dans le Journal de l'Association médicale canadienne (Hatchette et Farina, 2011), y compris les lignes directrices pour l'analyse de cas potentiels d'ECVT. Les lignes directrices publiées recommandent que les patients présentant une diarrhée non sanglante doivent subir des analyses pour détecter l'E. coli O157 seulement si le patient réside dans une installation fermée (p. ex., un établissement de soins de longue durée), sont un travailleur en service de garde, un manipulateur d'aliments ou un travailleur de la santé. De plus, la présence de déshydratation, de fièvre ou de comorbidités sous-jacentes parmi les cas de diarrhée non sanglante pourrait aussi entraîner des analyses pour détecter la présence d'ECVT O157. Tous les patients présentant une diarrhée sanglante doivent subir des analyses pour détecter la présence d'E. coli O157.

Malheureusement, le diagnostic et la surveillance d'ECVT non O157 ont été entravés par l'absence de lignes directrices normalisées pour le moment ou la façon d'analyser pour détecter ces agents pathogènes. Toutefois, en 2018, des lignes directrices nationales visant à remédier à ce manque de normalisation ont été publiées par le Réseau canadien de laboratoires de santé publique (Chui et coll., 2018). Les recommandations comprennent l'utilisation d'une culture de géloses chromatogènes ou de tests diagnostiques sans culture (TDSC) pour le dépistage des échantillons de selles. Si une méthode de TDSC est positive pour ECVT, les laboratoires devraient être en mesure de cultiver et d'isoler cet agent pathogène afin d'appuyer la surveillance et l'intervention en cas d'éclosion. L'objectif général de ces recommandations est d'améliorer la détection d'ECVT chez des patients présentant une diarrhée, en particulier lorsqu'elle est causée par des sérotypes non O157.

Programme national de surveillance des maladies entériques

Le Programme national de surveillance des maladies entériques (PNSME) est un système de surveillance national administré conjointement par le Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l'ASPC et le Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique (CMIOAEZ) depuis 1997 (PNSME). À l'heure actuelle, ce système recueille des renseignements sur 14 agents pathogènes entériques bactériens, viraux et parasitaires. Les principaux objectifs du PNSME sont de détecter les éclosions multiterritoriales au moyen d'analyses hebdomadaires et de présentation de rapports de laboratoire sur des cas de maladies entériques au Canada et de les intégrer aux efforts nationaux et internationaux pour surveiller et limiter la propagation de maladies entériques. La collecte de données hebdomadaires sur les maladies entériques permet la présentation rapide de rapports et fournit à l'ASPC et aux partenaires provinciaux et territoriaux les premiers signes qu'une importante tendance de maladie émerge. La collecte de données de base sur les maladies entériques au Canada facilite également la compréhension des tendances observées dans les sous-types de l'organisme au fil du temps et appuie la recherche, les comparaisons interprovinciales et internationales, et la planification et la prise de décisions pour le personnel de laboratoire, les épidémiologistes et d'autres intervenants en santé publique.

Le PNSME est un système de surveillance passive se fondant sur les laboratoires provinciaux de santé publique pour fournir des rapports hebdomadaires pour les organismes isolés chez des Canadiens qui ont demandé des soins médicaux. Toutes les données sont fournies au PNSME d'une manière regroupée et anonyme, et comprennent uniquement le nombre d'isolats provenant de nouveaux cas détectés au laboratoire provincial cette semaine ou il fournit des mises à jour aux nombres signalés auparavant. L'ASPC effectue l'analyse des données hebdomadaires pour déterminer si le nombre de cas est beaucoup « plus élevé que prévu » en fonction d'une moyenne mobile de cinq ans. Les rapports hebdomadaires du PNSME sont produits et ne sont à la disposition que des professionnels de la santé qui participent à la surveillance des maladies entériques, travaillant aux niveaux fédéral, provincial, territorial et local ayant un mandat de santé publique. Le PNSME produit également des rapports sommaires annuels, qui sont publiés en ligne (rapports du PNSME).

Le taux déterminé par le PNSME de maladie causée par l'ECVT pour le Canada en 2016 était de 1,7 par 100 000 personnes, parmi lesquelles 1,1 par 100 000 personnes peuvent être causées par l'ECVT O0157 et 0,6 par 100 000 personnes peuvent être causées par d'autres sérotypes d'ECVT (gouvernement du Canada, 2018). De 1997 à 2007, le taux national de maladie causée par l'ECVT O157 au Canada était de l'ordre de 3 à 5 par 100 000 personnes (Figure 4). Après 2007, le taux d'ECVT O157 a diminué et est demeuré stable autour de 1,2 par 100 000 personnes. En revanche, le taux d'ECVT non O157 a augmenté constamment depuis 2011. Il y a également une variation régionale importante dans les taux d'incidents signalés d'ECVT, où le Nunavut, l'Île-du-Prince-Édouard et le Yukon signalent des taux d'incidence beaucoup plus importants que le taux national en 2016.

En raison des limites des analyses en laboratoire et de présentations de rapports, il y a des limites inhérentes aux données fournies et présentées par le PNSME. Par conséquent, les nombres présentés dans les rapports provinciaux et les données du PNSME sont une sous-représentation de l'incidence réelle de la maladie au Canada. Alors que l'ECVT O157 est régulièrement transmis aux laboratoires de référence provinciaux et centraux pour davantage de sous-typage, les cas non O157 sont mal saisis par le PNSME et sont sous-représentés. Avec l'introduction du séquençage génomique entier et l'élaboration de nouvelles lignes directrices d'analyse pour la détection des cas non O157, il est prévu que cette limite sera réduite et que les cas signalés au PNSME sera plus près de l'incidence réelle de cette maladie au Canada.

PulseNet Canada

Dirigé par le Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l'ASPC, PulseNet Canada est le réseau national de sous-typage moléculaire en temps réel pour la surveillance des maladies d'origine alimentaire (PulseNet). Le réseau des laboratoires est en fonction à l'ASPC depuis environ 2000, avec des données complètes en temps réelles recueillies et analysées sur une base quotidienne et hebdomadaire depuis 2004.

Voici les objectifs de PulseNet Canada :

  • recueillir les données de sous-typage moléculaire et génomique provenant de cas de maladies bactériennes d'origine alimentaire provenant de tous les laboratoires provinciaux de santé publique et d'agents pathogènes bactériens isolés par l'ACIA, en temps réel;
  • analyser ces données moléculaires quotidiennement dans le but de détecter les éclosions potentielles, en particulier les éclosions interterritoriales le plus rapidement possible;
  • fournir l'enquête en laboratoire au cours de l'intervention interterritoriale en cas d'éclosion et soutenir l'intervention d'un seul territoire pour permettre des mesures en santé publique afin de protéger la santé des Canadiens.

PulseNet Canada a des liens avec d'autres activités de surveillance de l'ASPC, et plus précisément, les systèmes de surveillance du PNSME et FoodNet Canada. Chacun de ces systèmes de surveillance permet de recueillir des données sur les agents pathogènes d'origine alimentaire, avec PulseNet Canada mettant l'accent sur la détection d'éclosions potentielles en détectant les grappes d'isolats au moyen de profils de sous-typage partagés. Par la saisie de données au niveau de la souche, PulseNet complète les données au niveau des espèces ou du sérotype saisie par le PNSME. Les données de PulseNet Canada sont analysées conjointement avec le PNSME sur une base hebdomadaire. À l'heure actuelle, PulseNet Canada effectue tout le séquençage du génome entier pour tous les isolats d'ECVT et effectue les analyses des grappes sur une base hebdomadaire. Si disponible, les échantillons d'aliments, d'animaux et de milieux sont inclus dans ces analyses hebdomadaires.

FoodNet Canada

FoodNet Canada (FNC) est un système national de surveillance de « site sentinelle » de la salubrité des aliments exploité par l'ASPC (FoodNet Canada). Les activités du FNC visent à intégrer la surveillance humaine, alimentaire et environnementale. La région de Waterloo, en Ontario, a été choisie comme premier site pilote sentinelle du FNC et les activités de surveillance ont débuté en 2005. En 2010, un deuxième site sentinelle a été établi au sein de la région de l'autorité sanitaire du Fraser, en Colombie-Britannique. En 2014, un troisième site sentinelle a été lancé à Calgary et dans les zones centrales de l'Alberta. Également en 2014, le site ontarien est passé de la région de Waterloo à la région de l'unité de santé publique Middlesex-London. Chaque site sentinelle est un site défini géographiquement où les échantillons provenant de l'unité locale de santé publique, les points de vente au détail des aliments, les fermes et les sources d'eau locales sont liés pour générer des renseignements qui sont représentatifs de la population en général.

Voici les principaux objectifs de FoodNet Canada :

  • déterminer les aliments et les autres sources qui rendent les Canadiens malades;
  • déterminer les facteurs de risque importants pour les maladies entériques;
  • retracer avec précision les taux de maladies et les risques au fil du temps;
  • fournir des renseignements de prévention pratiques pour prioriser les efforts d'atténuation et de gestion des risques; comparer les interventions, les mesures directes et faire progresser les politiques; et évaluer l'efficacité des activités de salubrité des aliments, les interventions en santé publique et mesurer le rendement.

FoodNet Canada effectue une combinaison de surveillance active (volets agricoles, du commerce de détail et de l'eau) et passive (humaine). À l'aide d'un questionnaire normalisé, les renseignements épidémiologiques sont recueillis sur tous les cas de maladie et ils sont liés aux résultats de laboratoire à la suite de travaux exécutés par les laboratoires provinciaux ou le LNM. Chaque semaine, les épiceries des sites sentinelles sont visitées pour acheter des échantillons de viande et de fruits de mer crus offerts aux consommateurs. Les échantillons sont analysés pour détecter la présence de plusieurs agents pathogènes entériques ciblés qui sont similaires à ceux analysés dans les animaux destinés à l'alimentation et dans l'eau, y compris ECVT. Des échantillons d'eau de surface non traitée sont recueillis toutes les deux semaines et ils sont analysés pour détecter la présence de plusieurs agents pathogènes entériques ciblés et des indicateurs de la qualité de l'eau sont enregistrés. La surveillance active des animaux destinés à l'alimentation est réalisée au moyen de l'analyse du fumier échantillonné dans les exploitations agricoles à l'intérieur de chaque site, y compris les matières fécales fraîches, le fumier entreposé ou les boues. L'échantillonnage est effectué dans quatre groupes de produits et chaque ferme est visitée une fois par année : les élevages de porcs, de bovins laitiers, de boeufs et de poulets à griller. Les résultats de laboratoire sont liés aux données fournies au moyen d'un formulaire de collecte des échantillons.

Toutes les données sont intégrées pour comparer les agents pathogènes trouvés dans les aliments des commerces de détail, dans l'eau et sur les fermes avec les infections humaines pour aider à déterminer les aliments ou les autres sources qui rendent les Canadiens malades. Les données sont également analysées afin de produire un rapport annuel (publications FoodNet Canada). Les résultats du volet de la surveillance des animaux sont envoyés annuellement à chaque producteur au moyen d'un rapport personnalisé de leurs résultats. D'autres analyses sont effectuées sur demande par les sites sentinelles, la Division de la gestion des éclosions du Centre des maladies infectieuses d'origine environnementale et zoonotique (CMIOAEZ) ou les partenaires fédéraux. Un résumé des résultats des analyses de l'ECVT pour la période allant de 2014 à 2017 est fourni dans les Tableaux 6 et 11.

Tous les isolats humains d'ECVT récupérés dans le cadre des activités de FNC sont caractérisés dans le système de PulseNet Canada. À l'heure actuelle, cela comprend le SGE, qui fournit de plus amples renseignements de sous-typage pour différencier les sous-types non O157. Les isolats d'ECVT récupérés des échantillons provenant de commerces de détail, agricoles ou environnementaux sont également séquencés et communiqués à PulseNet Canada. L'inclusion de ces isolats non humains permet la détection des sources potentielles d'infection, des voies de transmission de l'agent pathogène le long de la chaîne alimentaire et oriente la production d'hypothèses pour les enquêtes sur les éclosions.

Résumé

La surveillance nationale des maladies causées par l'ECVT au Canada est effectuée au moyen de trois programmes, le Programme national de surveillance des maladies entériques, PulseNet Canada et FoodNet Canada. Voici les principales caractéristiques de ces programmes :

  • Les renseignements sur le taux de maladies causées par ECVT au Canada sont saisis par le PNSME, selon les données fournies par les laboratoires provinciaux de santé publique. Ces données permettent la déclaration des taux d'incidents et de détermination des changements dans les tendances d'incidents.
  • En raison des limites des analyses en laboratoire et de signalisation des cas, les taux d'incidents liés à ECVT du PNSME sont considérés comme étant une sous-estimation.
  • En 2016, le taux d'incidents de maladies causées par ECVT pour le Canada était de 1,7 par 100 000 personnes. Depuis 2008, les taux d'incidents sont relativement stables, passant de 3 à 5 par 100 000 personnes au cours de la décennie précédente.
  • Les taux d'incidents d'ECVT varient à l'échelle régionale. Par exemple, en 2016, le Nunavut, l'Île-du-Prince-Édouard et le Yukon ont signalé des taux d'incidence beaucoup plus élevés que le taux national.
  • PulseNet Canada effectue le séquençage du génome entier pour tous les isolats d'ECVT disponibles, y compris les isolats provenant d'échantillons cliniques, alimentaires, animaux et environnementaux. Pour appuyer la détection des éclosions et des sources d'exposition potentielles des analyses des grappes sont effectuées pour déterminer les isolats connexes.
  • FoodNet Canada effectue la surveillance active dans trois sites sentinelles : la région de l'autorité sanitaire du Fraser, en Colombie-Britannique, les zones de Calgary et du centre de l'Alberta, et la région de l'unité de santé publique de Middlesex-London de la région de l'Ontario. Pour déterminer les causes et les sources de maladies d'origine alimentaire, FoodNet recueille et analyse des échantillons provenant de l'unité locale de santé publique, des points de vente au détail des aliments, des fermes et des sources d'eau locales pour détecter la présence d'agents pathogènes entériques, y compris ECVT.