L'échec

Granda est coordonnatrice de production et diffusion des données à Statistique Canada. Elle travaille bénévolement en appui à de nombreuses causes. Elle invite les femmes à être indulgentes envers elles-mêmes et entre elles. Un choix n’est pas un échec.

J’ai échoué.

Je connaissais un trop grand nombre de professionnelles qui avaient pris un risque avec leur fécondité et qui avaient perdu leur pari.

La trentaine approchait et j’avais décroché ma maîtrise en sciences. Mon mari avait terminé son doctorat et était rentré au Canada pour occuper un poste de professeur. Ma recherche me passionnait, mais je voulais aussi fonder une famille.

J’ai quitté.

Je suis devenue précisément ce que mon conseiller aux études doctorales m’avait prévenue de ne pas devenir : une femme au foyer hautement éduquée.

J’ai essayé.

Je suis devenue enceinte dans une province où je ne connaissais personne. J’ai travaillé d’arrache-pied pour terminer ma thèse de doctorat, alors même que mon conseiller passait une année sabbatique dans une forêt tropicale du Costa Rica où il était impossible de le joindre. De son côté, mon mari s’absentait pendant des semaines à la fois pour faire des présentations lors de congrès à l’étranger.

Une femme m’a suggéré d’inscrire ma fille à la garderie à temps plein, en précisant qu’elle avait fait de même avec sa propre fille lorsqu’elle n’avait que six jours pour être en mesure de terminer sa thèse de doctorat six mois plus tard. Six mois! J’ai eu pitié d’elle et de sa fille. Je voyais ce qu’elle avait perdu.

J’ai fait mon deuil.

Le temps a passé et j’ai commencé à comprendre que j’avais fait un choix sans en évaluer le coût total. « Comment pouvez-vous avoir seulement un enfant? » « Qu’est-ce que votre fille fera quand vous ne serez plus de ce monde? » J’étais attristée. Le soir, je pleurais. Je pleurais lorsque j’étais seule. J’avais amplement de temps pour pleurer. Je pleurais lorsque ma fille dormait. Je pleurais lorsque mon mari était en voyage.

Je m’ennuyais des discussions scientifiques.

Un jour, ma fille m’a demandé pourquoi je ne travaillais pas comme les autres mères qu’elle connaissait. Elle m’a dit qu’elle aimerait que je trouve un emploi de fleuriste. J’ai une maîtrise en sélection des végétaux. À six ans, ma fille ne comprenait pas cela, mais elle voyait que j’avais de solides aptitudes en jardinage. 

J’ai trouvé un emploi.

Plus de 10 ans après ma dernière expérience en sciences, j’ai obtenu un emploi temporaire à Agriculture Canada. Mon mandat était de préparer un document volumineux sur l’utilisation de pesticides, en vue d’un congrès international. J’étais la spécialiste désignée en herbicides. C’était terrifiant. Je me souvenais à peine du nom des mauvaises herbes en anglais. Ne parlons même pas de leur nom français ou latin. Ma dernière utilisation d’un ordinateur remontait à l’époque où Word et Quattro étaient les dernières nouveautés. Avez-vous déjà collé des indications de frappes en carton sur les touches F de votre clavier? Moi, oui. Envoyer des courriels à des amis n’a rien à voir avec le calcul de valeurs dans un tableur informatique. Le congrès était fort intéressant. J’ai rencontré plusieurs chercheurs, et l’un d’entre eux m’a offert un poste en recherche. L’employeur cherchait quelqu’un ayant de l’expérience en analyse quantitative des gènes. J’étais survoltée! Mes habiletés de travail en laboratoire étaient dépassées et personne ne m’avait encore offert un emploi à temps plein. L’employeur potentiel m’a dit que ses installations se trouvaient dans le Nord de l’État de New York. C’était loin de chez moi. Je lui ai dit que je réfléchirais à son offre et que je communiquerais avec lui la semaine suivante. J’en ai discuté avec mon mari toute la fin de semaine. Mon mari m’a dit que nous pourrions essayer. Mes enfants étaient encore jeunes. Je ne savais pas comment leur expliquer. 

J’ai refusé l’offre d’emploi.

Les années ont passé. Ma fille est entrée à l’université cet automne, à la Faculté des sciences. J’espère que les choix seront plus faciles pour elle. J’essaie de ne pas trop ressasser le passé. Je ne peux revenir en arrière, et je comprends que j’ai vécu des expériences remarquables. Je sais que je suis privilégiée d’avoir pu faire des choix, mais j’ai encore des regrets.

Je m’ennuie des sciences.

J’espère que ma fille va réussir.

J’étais la seule à l’université et la seule élève de ma promotion du secondaire à choisir l’étude de la sélection des végétaux. J’ai adoré mon cours de cytologie et j’ai été très fière lorsque j’ai produit ma première courge à chromosome de seigle.

J’étais la seule à l’université et la seule élève de ma promotion du secondaire à choisir l’étude de la sélection des végétaux. J’ai adoré mon cours de cytologie et j’ai été très fière lorsque j’ai produit ma première courge à chromosome de seigle.

Travaillant à ma maîtrise en agriculture armée d’une fourche

Travaillant à ma maîtrise en agriculture armée d’une fourche

 Nous nous sommes mariés alors que nous étions tous deux étudiants de cycle supérieur et que nos ressources financières étaient limitées. J’ai payé ma robe 50 $ dans un magasin d’occasion. Je ne voulais pas dépenser trop d’argent, car j’économisais pour acheter une tente de qualité.

Nous nous sommes mariés alors que nous étions tous deux étudiants de cycle supérieur et que nos ressources financières étaient limitées. J’ai payé ma robe 50 $ dans un magasin d’occasion. Je ne voulais pas dépenser trop d’argent, car j’économisais pour acheter une tente de qualité.

Nous avons pris notre premier congé sabbatique à Grenoble, en France. Nous avions apporté nos vélos et le porte-bébé de luxe que j’avais acheté chez Canadian Tire. C’était le premier siège pour enfant situé à l’avant que je voyais, et il avait été inventé ici, à Ottawa. J’ai regretté de n’en avoir acheté qu’un seul puisqu’énormément de gens m’ont arrêtée pour me demander où ils pouvaient en acheter un. J’aurais pu en vendre des centaines!

Nous avons pris notre premier congé sabbatique à Grenoble, en France. Nous avions apporté nos vélos et le porte-bébé de luxe que j’avais acheté chez Canadian Tire. C’était le premier siège pour enfant situé à l’avant que je voyais, et il avait été inventé ici, à Ottawa. J’ai regretté de n’en avoir acheté qu’un seul puisqu’énormément de gens m’ont arrêtée pour me demander où ils pouvaient en acheter un. J’aurais pu en vendre des centaines!

Nous l’avons nommée en l’honneur de la fille de Déméter, la déesse du printemps. De son côté, elle a choisi pour lui le prénom Maxwell; heureusement pour lui, nous avions réussi à la convaincre de trouver un autre nom que son premier choix, qui était Princess Beauty.

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