Une nouvelle façon de détecter les émissions mondiales de dioxyde de soufre

Le dioxyde de soufre (SO2) est un polluant atmosphérique commun au Canada. Ses émissions mènent à la formation d’acide sulfurique et de particules fines qui sont liées à des effets néfastes sur la santé, par exemple les maladies cardio-vasculaires, et à des répercussions environnementales, notamment les pluies acides. La prochaine série de mesures que le gouvernement du Canada mettra en place pour réduire ses émissions nécessitera une compréhension approfondie de l’endroit où proviennent ces sources de pollution atmosphérique. La science aura donc un rôle important à jouer.

Au printemps 2016, les scientifiques d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), en collaboration avec des scientifiques de la NASA et d’universités canadiennes et américaines, ont publié un article dans la revue Nature Geoscience. Cet article présente de façon sommaire une nouvelle méthode de détection, de cartographie et de mesure des émissions de polluants atmosphériques (en anglais seulement). Cette méthode se base sur des observations faites à partir de l’espace, c’est-à-dire par télédétection satellitaire, pour mesurer les sources d’émissions atmosphériques de SO2 au niveau du sol. Parmi les sources potentielles figurent entre autres les petites et grandes installations industrielles et les phénomènes naturels, comme les volcans.

« Nous disposons maintenant de mesures indépendantes de ces sources d’émissions qui ne relèvent pas des connaissances que nous détenions ou pensions détenir », affirme Chris McLinden, scientifique spécialiste de l’atmosphère à ECCC à Toronto et principal auteur de l’étude. « Lorsque vous examinez une image satellite de dioxyde de soufre, les émissions de ce gaz apparaissent sous forme de points chauds, des cibles en fait, ce qui facilite grandement le calcul des estimations. »

Les scientifiques ont utilisé des données recueillies sur 10 ans, par l’instrument de surveillance de l’ozone à bord d’Aura, un satellite de la NASA. Une attention particulière a été accordée à ces données en 2008.

L’engin spatial Aura de la NASA

Les données de l’engin spatial Aura de la NASA (voir l’image) ont été analysées par des scientifiques pour améliorer les estimations de sources et de concentrations de dioxyde de soufre partout dans le monde entre 2005 et 2014. Source de l’image : NASA

À l’aide de nouvelles techniques d’analyse, les scientifiques ont pu détecter de plus faibles concentrations d’émissions de SO2 que ce qui avait été possible jusqu’à ce jour. Cette avancée a donné lieu à une autre découverte : la capacité de détecter de manière plus précise les émissions de SO2, sans tenir compte des données déclarées (ou non) précédemment. Les scientifiques ont réussi à retracer les sources du polluant à partir de données sur la vitesse et la direction du vent. Ainsi, ils ont pu évaluer la quantité de SO2 émise par chaque site, ce qui a donné lieu au premier recensement par satellite des émissions mondiales de SO2.

Résultats canadiens

Dans le cadre du processus de vérification, les résultats par satellite ont d’abord été comparés à des sources connues de SO2, dont les données sont déclarées à ECCC chaque année par l’industrie par l’intermédiaire de l’Inventaire national des rejets de polluants.

Les résultats mesurés par satellite ont indiqué que les émissions totales de SO2 du Canada ont fortement diminué entre 2005 et 2014. Ces résultats sont conformes à la tendance à la baisse déjà observée au Canada, dans l’inventaire annuel des émissions. Les résultats satellitaires ont également permis de vérifier de façon objective l’efficacité de la réglementation et des ententes internationales antérieures sur la qualité de l’air, par exemple la réglementation canadienne qui réduit la quantité de soufre dans les carburants, et l’Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l’air, laquelle a permis de réduire la quantité de polluants atmosphériques qui traverse la frontière vers le Canada.

Résultats sur la scène internationale

Les études ont révélé qu’il existe environ 500 sources d’émissions de dioxyde de soufre, dont environ 40 qui ne sont pas répertoriées dans les principaux inventaires internationaux d’émissions. Parmi ces sources d’émissions qui manquent à l’appel se trouvent des centrales thermiques alimentées au charbon, des fonderies et des exploitations d’hydrocarbures. Ces sources d’émissions ont tendance à être groupées, surtout au Moyen-Orient, mais aussi au Mexique et à certains endroits en Russie. De plus, les émissions déclarées par ces sources connues étaient parfois de deux à trois fois inférieures aux estimations établies par satellite pour ces mêmes sources. Les émissions globales qui proviennent de ces sources de SO2 nouvelles ou non déclarées comptent pour environ 12 % des émissions mondiales de SO2.

Cette proportion n’est pas nécessairement importante à l’échelle mondiale, mais les sources manquantes peuvent avoir une incidence considérable sur la qualité de l’air d’une région ou d’une localité.

L’équipe de recherche a également localisé 75 sources naturelles d’émissions de SO2, y compris des volcans assoupis qui émettent du SO2 par fuites lentes toute l’année. Étant donné que de nombreux volcans se trouvent dans des endroits éloignés et ne sont pas surveillés, ces données satellitaires sont les premières à pouvoir nous fournir de l’information chaque année, de façon régulière, sur les émissions passives des volcans.

Prochaines étapes

Les résultats de ces recherches nous permettront d’améliorer la précision des modèles de qualité de l’air, y compris celle des modèles utilisés par les météorologues d’ECCC pour préparer les prévisions de la cote air santé. La possibilité de mesurer la pollution de l’air par satellite aidera aussi les scientifiques à mieux comprendre les effets à long terme des émissions sur la santé humaine et l’environnement.

Les scientifiques ont également découvert que la méthode de détection et de cartographie par satellite mise au point pour le SO2 peut également servir pour le dioxyde d’azote et possiblement pour l’ammoniaque, les particules fines et d’autres polluants de courte durée.

La télédétection satellitaire des émissions de SO2 est un exemple d’innovation en matière de surveillance environnementale. Elle démontre que le Canada soutient le travail scientifique et la gestion de la qualité de l’air basée sur des données probantes. Les méthodes (en anglais seulement), les données satellitaires (en anglais seulement) et les données météorologiques utilisées par l’équipe de recherche sont accessibles gratuitement.

Equipe photo  

Nicolay Krotkov (NASA), Chris McLinden (ECCC), Joanna Joiner (NASA), Randall Martin (Université Dalhousie) et Can Li (NASA et Université du Maryland) ont collaboré à l’article paru dans la revue Nature Geoscience [absents : Vitali Fioletov, Michael Moran et Mark Shephard (tous d’ECCC)].