Garder un œil sur le rayonnement

Le rayonnement se trouve tout autour de nous dans notre environnement naturel. À partir des roches dans le sol jusqu’au rayonnement cosmique, il est généralement inoffensif, malgré notre exposition quotidienne à cette émission d’énergie sous forme de courant électromagnétique ou de particules subatomiques en mouvement. Alors, comment savons-nous que ces particules radioactives qui flottent autour de nous ne nous causent pas de tort? Le Bureau de la radioprotection de Santé Canada surveille en continu le rayonnement au Canada et à l’étranger.

Comme mesure de protection de base, nous surveillons la stabilité des niveaux de rayonnement naturel partout au pays. S’il y a des changements, nos experts pourront prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les Canadiens.

Réseau canadien de surveillance radiologique

Laura Chaloner (Ph. D.) travaille au Réseau canadien de surveillance radiologique (RCSR) de Santé Canada, qui compte 26 stations situées partout au pays pour mesurer les particules dans l’air et dans l’eau de pluie. L’équipement qui se trouve à chaque station mesure toutes les semaines le rayonnement total dans l’air et permet aux scientifiques de suivre les niveaux auxquels la population est exposée.

« Nous dégageons les tendances en matière de rayonnement naturel partout au Canada. Il nous est impossible d’éviter le rayonnement provenant du sol ou des rayons cosmiques, mais nous pouvons détecter rapidement des situations anormales, comme des particules radioactives artificielles », explique Mme Chaloner. « Il n’y a pas de danger à être exposé au rayonnement naturel, parce que les niveaux sont si faibles. Notre rôle est de vérifier que ces niveaux restent dans les limites de la normale. »

Les effets des faibles niveaux de rayonnement ionisant sur le corps humain se mesurent en sieverts. Au cours d’une année moyenne, les Canadiens sont exposés à environ 2 millisieverts de rayonnement, ce qui ne présente aucun danger. La moyenne mondiale est de 2,4 millisieverts. Dans certains pays, selon la zone géologique, cette mesure peut être beaucoup plus élevée.

En plus des analyses détaillées qu’offre le RCSR, le Réseau de surveillance en poste fixe fournit des mises à jour en temps réel toutes les 15 minutes pour informer les experts dès qu’un incident survient.

Stations de contrôle visées par le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires

Le Canada fait aussi partie d’un réseau mondial comportant 80 stations qui détectent les faibles émissions découlant d’explosions nucléaires illégales qui sont interdites par le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).

« L’équipement de ces stations est plus sensible que celui des stations de contrôle ordinaires », souligne Kurt Ungar (Ph. D.), chef de la Section de la vérification et de la surveillance d’incidents du Bureau de la radioprotection. « Les mesures y sont plus fréquentes. Au lieu de recueillir un échantillon sur une période d’une semaine comme une station ordinaire, ces stations recueillent des échantillons en 8, 12 ou 24 heures. »

Ensemble, ces réseaux permettent à Santé Canada d’obtenir tous les renseignements nécessaires pour détecter les fluctuations importantes de l’exposition au rayonnement, et ce, même à des endroits assez éloignés des stations de contrôle. « Les fluctuations réelles peuvent être très petites. En fait, il faut employer des techniques très spécialisées pour pouvoir en estimer l’ampleur. », ajoute M. Ungar.

Cette carte du réseau de surveillance du rayonnement présente l’emplacement des 26 stations RCSR, des 77 stations poste fixes et des 4 stations TICEN au Canada. Elle présente aussi une plus petite carte des 80 stations TICEN dans le monde.

Réseau de surveillance au Canada et à l’étranger. Source : Commission canadienne de sûreté nucléaire

Surveillance du rayonnement partout dans le monde

Cependant, le rayonnement n’est pas quelque chose qui peut être examiné de façon isolée par un seul pays. Lorsque les scientifiques canadiens détectent une anomalie, ils collaborent avec des partenaires internationaux pour en déterminer la cause.

À titre d’exemple, le Bureau de la radioprotection a pris part, en 2017, à l’examen de la provenance de l’isotope ruthénium-106 en Europe. Michael Cooke (Ph. D.), chercheur du Bureau de la radioprotection, a effectué diverses analyses ayant permis de révéler la signature chimique qui détermine la façon dont il est produit et qui est venue étayer d’autres données relatives à sa provenance.

« D’habitude, en analyse nucléolégale, vous cherchez une signature parce qu’elle raconte une histoire. Ce que nous voulions, nous, c’est trouver plus que des preuves circonstancielles », précise M. Cooke. « Nous pouvons maintenant dire définitivement que le traitement de déchets nucléaires était à l’origine de la présence de cet isotope. Nous pouvons produire des éléments de preuve tangible qui disent exactement ce qui est arrivé. Il s’agit d’une première mondiale, et c’est le Canada qui a trouvé la réponse! » Consultez l’article scientifique complet au https://www.pnas.org/content/early/2020/06/09/2001914117 (en anglais seulement).

Après l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011, les experts ont pu rapidement confirmer que l’exposition des Canadiens était minime et que leur santé n’était pas en danger.

« On s’est alors préoccupé de la migration d’un panache radioactif par l’océan vers la côte ouest du Canada. Dans le cadre de sa participation au projet InFORM (Integrated Fukushima Ocean Radionuclide Monitoring ou Réseau intégré de surveillance des radionucléides dans l’océan à Fukushima), la Section de surveillance nationale a analysé des centaines d’échantillons pour y mesurer le contenu radioactif.

Seulement quelques-uns d’entre eux contenaient des quantités détectables de césium-134, un marqueur de contamination dérivé de l’accident de Fukushima ayant une durée de vie relativement courte qui nous a permis de faire la distinction entre le nouveau contenu radioactif et le plus ancien.

C’était une confirmation supplémentaire de l’absence de conséquences sur la santé, et cela a suscité un intérêt plus académique concernant la façon dont la radioactivité se propage dans l’environnement. Nous avons vraiment dû tout examiner de près et repousser les limites pour être en mesure de voir ces choses », a indiqué M. Cooke.

« Pendant l’incident à Fukushima, nous avions une foule de renseignements sur ce qui se passait partout dans le monde. Nous voulions comprendre la nature des répercussions et informer les personnes qui étaient à l’étranger des risques éventuels », ajoute M. Ungar. « Les plans et les protocoles généraux ont suffi compte tenu de l’énormité de la situation, mais nous avons réussi à confirmer cela de façon indépendante. »

La majorité des systèmes de Santé Canada se penchent sur les particules présentes dans l’air. À plusieurs endroits, notamment ceux qui font partie d’un réseau mondial mis en place dans le contexte du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, les scientifiques peuvent aussi examiner les gaz radioactifs émis par la majorité des installations nucléaires, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.

Le Canada a conclu des accords avec d’autres pays et programmes lancés par l’intermédiaire des Nations Unies. Ces accords permettent aux scientifiques de comprendre plus facilement ce qui se passe dans l’environnement et de dégager les préoccupations liées à la santé.

Assurer la sécurité des Canadiens

« Pratiquement rien n’échappe à notre capacité de détection, mais le simple fait que nous le voyons ne veut pas dire que c’est dangereux », assure M. Ungar. « Il est important que nous le voyions parce que souvent nous voulons évaluer la situation au point d’origine. »

Le Bureau de la radioprotection est déterminé à veiller à la sécurité des Canadiens grâce à la détection de la radioactivité dans l’environnement. « J’essaie de regarder les choses sous un angle différent. J’examine nos activités de surveillance et je me demande tout le temps s’il est possible de faire mieux. Je ne veux par réinventer la roue, mais il y a parfois de la place pour l’innovation », conclut M. Cooke.