Les marqueurs de virulence d'ECVT et leur association avec la gravité de la maladie

Même si de nombreux marqueurs de virulence potentiels ont été détectés dans les ECVT, la qualité des données probantes appuyant leur rôle peut varier grandement. Le bref examen qui suit met l'accent sur les marqueurs de virulence pour lesquels il existe des données probantes bien établies et il permet de faire la distinction entre les marqueurs indiqués au moyen d'un lien de causalité ou corrélatif avec la maladie humaine comme suit :

La causalité, la relation entre un marqueur de virulence et la maladie ou la probabilité de conséquences graves pour le patient (DS ou SHU), est fondée sur un mécanisme connu.

La corrélation, une relation épidémiologique entre le marqueur de virulence et la probabilité de conséquences graves pour le patient a été établie, mais aucun mécanisme biologique n'a encore été déterminé. Le marqueur de virulence peut ne pas jouer de rôle dans les mécanismes de la maladie. L'association épidémiologique avec les conséquences graves pour les patients peut représenter la corrélation avec au moins l'un des mécanismes non déterminés.

Il est important de déterminer si un marqueur de virulence a été détecté en fonction d'une relation de causalité ou corrélative puisque cela permet de mettre l'accent approprié sur certains éléments particuliers des données probantes au moment de prendre des décisions, en plus d'indiquer les problèmes que la recherche à venir devra résoudre.

Vérotoxine

Les gènes de la vérotoxine (stx ou vt) sont codés par un phage lysogénique, le phage stx, qui s'intègre dans le chromosome bactérien (Krüger et Lucchesi, 2015). Par conséquent, les gènes stx peuvent être hérités par les cellules filles ou acquis par une infection par une bactérie ayant des phages stx, ce qui permet la création continuelle de nouvelles souches d'ECVT par transfert horizontal des gènes. Les cellules d'E. coli peuvent être potentiellement infectées par de multiples phages stx et les souches d'ECVT qui sont porteuses des gènes pour deux ou trois vérotoxines différentes ne sont pas inhabituelles.

Les ECVT et la Shigella dysenteria sont des agents pathogènes établis pour lesquels la vérotoxine et la toxine de Shiga sont un facteur de virulence, mais il y a eu des signalements d'isolats d'autres genres (Acinetobacter, Aeromonas, Citrobacter, Enterobacter) qui ont acquis des gènes de vérotoxine (Probert et coll., 2014; Grotiuz et coll., 2006; Alperi et Figueras, 2010; Schmidt et coll., 1993; Paton et Paton, 1996). Des souches d'Escherichia albertii positives pour les gènes de la variante de vérotoxine 2f ont également été déclarées (Ooka et coll., 2012). Actuellement, il n'y a aucun consensus sur l'importance des bactéries positives à la vérotoxine autres qu'E. coli pour la santé publique.

En fonction de la séquence d'acides aminés et de la réaction sérologique, les vérotoxines peuvent être séparées en deux grandes catégories, VT1 et VT2 (Strockbine et coll., 1986). La VT2 a une association épidémiologique plus importante avec la DS et le SHU que la VT1 (Ostroff et coll., 1989; Boerlin et coll., 1999). La VT2 présente également une cytotoxicité plus importante et est plus susceptible de produire une pathologie ressemblant au SHU dans les modèles expérimentaux (Fuller et coll., 2011; Donohue-Rolfe et coll., 2000; Siegler et coll., 2003).

La VT1 et la VT2 peuvent être davantage subdivisées en sous-types. Les sous-types de toxine ont été détectés à l'origine selon les propriétés sérologiques, mais les sous-types sont maintenant définis par la séquence d'acides aminés. À l'heure actuelle, il y a une taxonomie établie de trois sous-types de VT1 (a, c, d) et de sept sous-types de VT2 (a, b, c, d, e, f, g) (Scheutz et coll., 2012). Depuis 2012, au moins cinq autres sous-types de VT ont été proposés : VT1e (Probert et coll., 2014), VT2h (Bai et coll., 2018), VT2i (Lacher et coll., 2016), VT2k (Meng et coll., 2014) et VT2l (Lacher et coll., 2016) (Tableau 2). Les données probantes épidémiologiques indiquent que certains sous-types de VT ont une corrélation plus élevée avec une maladie grave que les autres (Friedrich et coll., 2002; Persson et coll., 2007; Buvens et coll., 2012; Marejková et coll., 2013; Mellmann et coll., 2008). Les données épidémiologiques indiquent que deux sous-types, VT2a et VT2d, sont associés à une plus grande probabilité de DS et de SHU, et que deux sous-types, VT1a et VT2c, sont associés à une probabilité accrue de DS (FAO/OMS, 2019; NACMCF, 2019). L'association des sous-types de stx à une maladie grave comprend également une corrélation avec la présence d'autres facteurs de virulence, en particulier ceux qui participent à la colonisation (FAO/OMS, 2019; NACMCF, 2019). Le reste des sous-types de VT peuvent avoir une plus grande corrélation avec une maladie bénigne et une plus faible association avec la DS et le SHU, mais les souches d'ECVT ayant ces sous-types de VT ne peuvent être exclues comme agents pathogènes potentiels et comme cause de maladie grave. Bien qu'il s'agisse de cas rares touchant habituellement des personnes dont l'état de santé est vulnérable, il y a eu des signalements de DS et de SHU impliquant les ECVT porteurs de la VT1c (Lienemann et coll., 2012), de la VT2b (Stritt et coll., 2013), de la VT2e (Fasel et coll., 2014; Thomas et coll., 1994) et de la VT2f (Friesema et coll., 2014; Friesema et coll., 2015; Grande et coll., 2016). Des souches d'ECVT porteuses de la VT1d et de la VT2g ont été isolées dans des cas relativement bénins de maladies entériques, mais non chez des patients atteints de DS ou du SHU (Nüesch-Inderbinen et coll., 2018; Scheutz 2014; Prager et coll., 2011). L'importance des cinq autres sous-types proposés depuis 2012 n'est pas claire, la VT2h, la VT2i et la VT2k n'ont été déclarées que dans des isolats provenant d'animaux et bien que la VT1e a été déclarée dans un isolat clinique, il s'agissait d'une souche d'Enterobacter cloacae (Probert, et coll., 2014; Bai et coll., 2018; Lacher et coll., 2016; Meng et coll., 2014).

Il faut faire preuve de prudence dans l'interprétation des études effectuant une corrélation entre une maladie grave et des sous-types de vérotoxine particuliers puisqu'il y a deux importantes sources possibles de partialité. Premièrement, les études réalisées avant l'établissement de la taxonomie des sous-types actuelle peuvent avoir catégorisées les sous-types différemment. Deuxièmement, les méthodes de dépistage moléculaires et fondées sur les anticorps peuvent ne pas détecter tous les sous-types de vérotoxine (Feng et coll., 2011; Staples et coll., 2017; De Rauw et coll., 2016). De plus, les ECVT isolés chez un patient pourraient ne pas nécessairement être l'agent causal des symptômes observés. La coïnfection d'un patient atteint d'un SHU ayant deux souches d'ECVT qui possèdent différents sérotypes et profils du gène de virulence a été déclarée (Gilmour et coll., 2007a).

Les différences dans la cytotoxicité peuvent expliquer l'apparente relation entre le sous-type de VT et la probabilité de maladie grave. Une étude sur les toxines purifiées a révélé que la VT2a et la VT2d étaient 25 fois plus toxiques que la VT2b et la VT2c pour les cellules rénales des singes Vero et les cellules épithéliales humaines de la tubule proximale rénale et elles étaient de 40 à 400 fois plus toxiques pour les souris que la VT2b, la VT2c et la VT1 (Fuller et coll., 2011). Par contre, des facteurs autres que la cytotoxicité peuvent jouer un rôle important. Les ECVT peuvent être porteurs de multiples copies des gènes VT (Ashton et coll., 2015), les souches portant le même sous-type de VT peuvent différer dans leurs niveaux d'expression des toxines (Kimmitt et coll., 2000) et, comme déclaré récemment, dans le taux de translocation dans l'ensemble de l'épithélium de l'intestin (Tran et coll., 2018). Une étude néerlandaise des isolats cliniques d'ECVT a déclaré que la présence de certains sous-types de VT a été corrélée positivement et négativement avec d'autres gènes de virulence connexes (Franz et coll., 2015). Les auteurs ont proposé que l'association du sous-type de VT à la maladie peut être une conséquence non pas des propriétés de la toxine, mais de l'assemblage des gènes de virulence associés à ce sous-type de VT parmi certaines lignées d'ECVT (Franz et coll., 2015). Cette hypothèse n'entre pas en contradiction avec les observations antérieures d'une association à une maladie grave et des ECVT à la VT2a et le LEE, ainsi que des souches négatives pour le LEE à la VT2d (Friedrich et coll., 2002).

Enfin, les ECVT porteurs de certains sous-types de VT semblent être plus communs dans certains milieux que d'autres. La VT2e est associée aux isolats d'ECVT de porcs, chez lesquels elle cause un œdème (Tseng et coll., 2014). La VT2b et la VT2c sont associées aux cerfs et à d'autres espèces sauvages (Hofer et coll., 2012; Mora et coll., 2012). Une étude des ECVT positifs à la VT2f isolés dans des pigeons et des humains aux Pays-Bas a signalé que les souches se regroupaient phylogénétiquement par source d'isolement avec un chevauchement limité (van Hoek et coll., 2019). Le sous-type VT2h n'a été déclaré que dans les ECVT isolés chez des marmottes tibétaines (Bai et coll., 2018). Par conséquent, la probabilité d'exposition humaine aux différents sous-types de vérotoxine pourrait contribuer à la relation épidémiologique avec la maladie.

Locus d'effacement des entérocyte (LEE)

L'îlot de pathogénicité du LEE est une suite complexe de gènes qui fonctionnent ensemble pour réguler la colonisation de l'épithélium intestinal par la formation de lésions attachantes-effaçantes (A-E) (Stevens et Frankle, 2014). Le LEE est codé sur un élément génétique mobile; sa présence est habituellement déterminée par la détection de la présence du gène eae, qui code l'intimine, une protéine qui est essentielle pour la liaison bactérienne aux cellules épithéliales de la muqueuse intestinale, servant ainsi d'élément essentiel dans l'établissement de l'infection. Le LEE est le facteur de virulence définitif des ECEP, mais il peut également être présent dans les souches d'ECVT (Croxen et coll., 2013). Les ECEP entraînent une diarrhée autolimitante aiguë et sont jugés être beaucoup moins infectieux que les ECVT, et l'infection dans les études d'exposition volontaire nécessitaient l'ingestion de > 1 million de cellules (Todd et coll., 2008).

La capacité d'E. coli O157:H7 à créer des lésions A-E a été déclarée pour la première fois en 1986 (Tzipori et coll., 1986) et peu de temps après, Levine (1987) a proposé que la capacité à créer des lésions A-E constituait le diagnostic d'E. coli O157:H7 et des agents pathogènes d'E. coli connexes. Depuis ce jour, le rôle du LEE et du mécanisme de formation des lésions A-E ont été déterminés (Stevens et Frankle, 2014). Il est maintenant bien établi que les ECVT positifs pour le LEE ont une association plus élevée avec la DS et le SHU (Boerlin et coll., 1999; Brooks et coll., 2005, Ethelberg et coll., 2004; Naseer et coll., 2017). Toutefois, le mécanisme de virulence du LEE n'est pas simple. La partie intégrante du LEE est un système de sécrétion de type trois codé par lequel les protéines transfèrent la bactérie dans les cellules hôtes (Gaytán et coll., 2016). Les protéines transférées comprennent un groupe de base d'effecteurs codés du LEE qui sont essentiels à la formation de lésions A-E, comme le récepteur de l'intimine transféré (tir), ainsi que d'autres effecteurs codés ne possédant pas de LEE. La présence d'effecteurs particuliers peut varier entre les E. coli ayant un LEE (Santos et Finlay, 2015). Cette variabilité dans les effecteurs particuliers présents, ainsi que la variabilité dans la séquence des protéines et les taux de traduction de ces effecteurs présents, peut contribuer aux différences dans le potentiel de pathogénicité des souches individuelles.

Adhérence agglutinante (AA)

L'AA de l'épithélium intestinal est typique de la colonisation infectieuse par EAEC. Les EAEC sont la cause de la maladie diarrhéique aiguë chez les adultes en bonne santé et peut causer de la diarrhée persistante chez les nourrissons ainsi que chez les adultes immunodéprimés (Hebbelstrup Jensen et coll., 2014). Les facteurs de virulence définitifs d'EAEC sont la [fimbriae d'adhérence agglutinante (FAA)]. La [FAA] est codée sur un plasmide, le [pAA], en plus d'une série de protéines ayant des rôles dans l'adhésion, la formation de biofilm, la régulation des gènes plasmidiques et chromosomiques, et les toxines (Hebbelstrup Jensen et coll., 2014; Boisen et coll., 2014). La présence du plasmide peut être détectée par la présence du gène aggR, qui code une protéine régulatrice. Puisque le plasmide peut être perdu au cours de la reproduction cellulaire, un gène codé dans les chromosomes aaiC peut également être utilisé pour détecter EAEC (EFSA, 2015).

Le rôle potentiel de l'[AA] dans la pathogénicité du SHU associé aux ECVT a été déterminé en 1998, à la suite de l'analyse moléculaire de la souche d'ECVT O111:H2 associée à une éclosion en 1992 en France (Morabito et coll., 1998). Par contre, l'[AA] porteuse d'ECVT n'était pas habituellement considérée comme étant un agent pathogène d'importance jusqu'à l'éclosion européenne d'ECVT O104:H4 en 2011. Concentrée en Allemagne, avec plus de 4 000 cas de maladie et 53 décès, cette éclosion est parmi les plus importantes éclosions d'ECVT déclarées (Beutin et Martin, 2012). Cette souche était positive pour la VT2a et négative pour le LEE, mais elle a été identifiée comme étant porteuse du [pAA], ce qui est apparemment très infectieux et avait un taux très élevé de SHU (22 % des cas déclarés) (Boisen et coll., 2015). L'analyse génomique a révélé que les ECVT [AA] O104:H4 provenaient d'un EAEC qui a été infecté par le phage stx (Rasko et coll., 2011). Par conséquent, ces souches sont désignées ECVT/EAEC ou EAEC positif pour le stx.

À la suite de l'éclosion de 2011, il a été proposé que les souches hybrides d'ECVT/EAEC soient reconnues comme étant une catégorie de souches d'ECVT à risque élevé (OMS/FAO, 2018). À ce jour, il n'y a pas eu d'autres éclosions de grande envergure d'ECVT/EAEC, mais il y a eu des signalements de leur isolement dans des cas cliniques (Dallman et coll., 2012; Prager et coll., 2014). L'analyse rétrospective des isolats cliniques italiens a révélé qu'une souche d'ECVT/EAEC O104:H4, liée à la souche de l'éclosion de 2011, a été isolée dans un cas sporadique de SHU en 2009 (Scavia et coll., 2011). Bien qu'il s'agisse d'un sous-groupe relativement rare d'ECVT, les cas d'ECVT/EAEC n'ont probablement pas été reconnus historiquement en raison de l'incapacité à analyser les isolats d'ECVT pour détecter la présence des gènes de virulence des EAEC. Par conséquent, il pourrait y avoir des souches d'ECVT/EAEC actuellement en circulation qui n'ont pas encore été détectées et de nouvelles souches d'ECVT/EAEC qui apparaîtront probablement au cours des années à venir, en raison de la mobilité des gènes de virulence primaires, stx et [pAA].

Comme pour le LEE, la colonisation et la pathogénicité de l'[AA] comprend un complexe de gènes. Les gènes en cause ne sont pas uniquement sur le [pAA], mais aussi au niveau du chromosome, et les souches d'EAEC particulières peuvent posséder des variantes des gènes ou certains peuvent être absents (Hebbelstrup Jensen et coll., 2014). Cette variabilité peut contribuer aux différences dans le potentiel de pathogénicité des souches d'ECVT/EAEC.

Autres facteurs de virulence

En plus des séries de gènes de virulence LEE, [AA] et [LAA] qui jouent un rôle déterminé dans la colonisation de l'hôte par ECVT, il y a de nombreux autres gènes de virulence hypothétiques dont le rôle dans la détermination du potentiel de pathogénicité des ECVT est inconnu ou incertain. Une sélection de ces gènes de virulence hypothétiques est incluse dans le Tableau 2. Ces facteurs de virulence hypothétiques comprennent les adhésines et les toxines, et comme pour les gènes de virulence établis, un grand nombre est codé dans les îlots de pathogénicité et dans les éléments génétiques mobiles. Des exemples de ce genre d'îlots de pathogénicité détectés dans les ECVT négatifs pour le LEE sont le [locus de l'activité protéolytique] (Schmidt et coll., 2001), [l'îlot de pathogénicité codant la subtilase] (Michelacci et coll., 2013), l'îlot de pathogénicité I ([CL3]) (Montero et coll., 2019) et l'îlot de pathogénicité élevée de Yersinia pestis (Karch et coll., 1999). L'importance d'ECVT dans l'assemblage de gènes qui ne comprennent pas l'eae et l'aaiC/aggR est illustrée par l'importance épidémiologique dans ECVT O91:H21 associé au SHU en Europe, qui est caractérisé par des gènes de VT2d, l'[entérohémolysine] (ehxA) et les toxines cytoléthales distendantes (ctdB) (Bielaszewska et coll., 2009).

Actuellement, il n'y a aucun consensus sur la présence ou l'absence de l'un de ces facteurs de virulence hypothétiques et les îlots de pathogénicité prédisent une probabilité accrue de maladie grave. Voici des exemples précis qui ont été proposés comme marqueurs de probabilité accrue de maladie grave : toxB (adhésine) dans les ECVT positifs pour le LEE (Tozzoli et coll., 2005) et dans les ECVT négatifs pour le LEE, le saa ([adhésion agglutinante STEC]), la subAB (toxine de subtilase), l'ureC ([protéine associée à l'uréase]), l'ehxA et la ctdB (Paton et coll., 2001; Paton et coll., 2004; Khaitan et coll., 2007; Bielaszewska et coll., 2009; Franz et coll., 2015). Même si les rôles mécaniques dans les processus morbides n'ont pas été établis pour ces marqueurs hypothétiques, l'analyse d'un grand nombre de génomes d'ECVT provenant de sources d'isolation différentes ou liées aux données sur les conséquences pour les patients peuvent fournir des données probantes pour leur association à la maladie humaine (Franz et coll., 2015; Montero et coll., 2019).

Pathotypes hybrides

Dans un rapport d'examen de 1998, Nataro et Kaper (1998) ont établi une classification des E. coli causant une maladie entérique en entéropathotypes en fonction de la pathologie et des facteurs de virulence connexes. Les catégories de pathotypes ont évolué et actuellement, les pathotypes acceptés comprennent ECEP, ECVT, EAEC, E. coli entéroinvasif (ECEI), E. coli entérotoxigène (ETEC), [E. coli à adhérence diffuse (DAEC)] et [E. coli envahissant et adhérant (AIEC)] (Croxen et coll., 2013). Puisque de nombreux facteurs de virulence sont codés sur des éléments mobiles, y compris des gènes de vérotoxine codés sur des phages, il faudrait s'attendre à l'existence de souches ayant des ensembles hybrides de facteurs de virulence. Les ECVT positifs pour le LEE et les ECVT/EAEC illustrent l'importance clinique de ces hybrides, tout comme Shigella dysenteriae peut le faire, ce qui peut être considéré comme étant essentiellement une population spécialisée d'hôtes des hybrides d'ECVT/EAEC. De plus, il y a eu des déclarations de souches d'ECVT porteuses de gènes de virulence associés à ETEC, y compris des toxines stables à la chaleur (Michelacci et coll., 2018; Leonard et coll., 2016; Nyholm et coll., 2015; Bai et coll., 2019). Finalement, il y a eu des isolats d'ECVT qui ne se conforment pas à l'état de simples hybrides comme il y en aurait de produit par l'infection d'une souche d'un autre pathotype ayant un phage stx, y compris un isolat clinique positif de VT1 ayant des caractéristiques des souches d'[AIEC], d'EAEC et d'ECEP (da Silva Santos et coll., 2015) ainsi que d'ECVT O80, un agent pathogène émergent en Europe qui possède des gènes de virulence auparavant associés aux E. coli pathogènes extra-intestinaux (ExPEC) (Cointe et coll., 2018). Une représentation graphique de la relation entre ECVT et les autres pathotypes d'E. coli est présentée à la Figure 1.

Sous-typage

Les ECVT, tout comme pour d'autres bactéries, peuvent être sous-typés en fonction des méthodes phénotypiques (c.-à-d. la sérologie, le profil biochimique) ou génomiques pour établir les relations taxonomiques entre les isolats au sein d'une population. Une hypothèse implicite dans toutes les approches de sous-typage, c'est que plus le nombre de caractères phénotypiques ou génomiques partagés par deux isolats est élevé, plus l'ancêtre commun est récent. Ce genre de relations peut être utilisé pour déterminer les agents pathogènes potentiels, même si ce rôle est en grande partie remplacé par l'analyse des traits particuliers de la virulence. Le sous-typage demeure un outil essentiel pour la surveillance, l'intervention en cas d'éclosion et le suivi des sources.

L'hypothèse d'une relation fondée sur le partage des caractéristiques peut être peu fiable si les caractéristiques utilisées pour déterminer la relation sont sujettes à des changements rapides, comme des événements de transfert horizontal de gènes (THG), une mutation ou s'il s'agit de caractéristiques phénotypiques qui peuvent être masquées par l'expression différentielle des gènes. Par exemple, le THG des [locus d'antigènes O et H] dans E. coli est commun, ce qui a une incidence sur l'utilité du sérotypage pour évaluer la relation d'évolution entre les souches (Ingle et coll., 2016). Au moment d'interpréter les résultats du sous-typage ou de sélectionner une méthode de sous-typage, il convient de déterminer si les caractéristiques sélectionnées sont appropriées pour la classification des isolats pour l'objectif requis. Ce peut être un problème concernant les ECVT, puisque de nombreux marqueurs de virulence, y compris la vérotoxine, sont codés sur les éléments génétiques mobiles.

Le deuxième enjeu pertinent pour l'interprétation des résultats du sous-typage est le niveau de résolution. Le sous-typage peut être trop discriminatoire ou ne pas l'être suffisamment, il peut exclure des isolats pertinents ou inclure des isolats non pertinents, dépendamment de l'application. Les méthodes phénotypiques pour le sous-typage d'ECVT, y compris les analyses biochimiques, le sérotypage, la lysotypie et l'électrophorèse enzymatique multilocus, sont bien établies, mais elles nécessitent beaucoup de ressources et offrent une discrimination limitée (Fratamico et coll., 2016). Il existe un large éventail de méthodes génomiques pour le sous-typage d'ECVT (c.-à-d., le polymorphisme de longueur de restriction, le ribotypage, l'analyse des répétitions en tandem en nombre variable dans plusieurs locus [MLVA], l'électrophorèse en champ pulsé [ECP], le typage génomique multi-locus [MLST]) présentant différentes puissances de discrimination, exigences en matière de ressources et de différents niveaux de fiabilité (Fratamico et coll., 2016). En 1996, à la suite de la création de PulseNet USA et des réseaux internationaux subséquents, l'ECP est devenu la norme établie pour le sous-typage à haute résolution d'ECVT ainsi que d'autres agents pathogènes bactériens dans la détection des éclosions (Ribot et Hise, 2016). À l'heure actuelle, l'ECP est supplantée par des méthodes fondées sur le SGE (Nadon et coll., 2017).

En principe, les méthodes fondées sur le SGE sont en mesure de fournir des renseignements de sous-typage à tous les niveaux de discrimination requis. Au niveau le plus élevé de résolution, tout le génome est étudié au moyen de méthodes comme le [MLST du génome entier (wgMLST)] en fonction de la [définition des allèles pangénomiques propres à une espèce] (Nadon et coll., 2017). Le [MLST du génome du noyau (cgMLST)] est une approche de typage à haute résolution fondée sur un sous-ensemble de gènes préservés qui peut être mise en œuvre au moyen de définitions des allèles normalisées élaborées pour l'espèce. Le schéma de [wgMLST] pour E. coli utilisé par PulseNet et mis en œuvre dans BioNumerics en ce moment comprend 14 837 locus génétiques accessoires et les 2 513 [locus génétiques du noyau] utilisés dans le schéma de [cgMLST] d'Enterobase (http://www.applied-maths.com/applications/wgmlst, page consultée le 2019-05-09) (Zhou et coll., 2019). PulseNet Canada détermine les regroupements potentiels d'éclosions en fonction des différences alléliques entre les souches caractérisées par le [wgMLST] sur la plateforme BioNumerics (Nadon et coll., 2017). Pour certaines applications, comme les études épidémiologiques globales ou à long terme, des approches à plus faible résolution fondées sur la variabilité au sein d'un plus petit sous-ensemble de gènes peuvent être utiles. Le MLST ribosomique (rMLST) utilise 53 gènes protéiniques ribosomiques préservés au moyen d'un schéma qui est universellement applicable à toutes les bactéries (Jolley et coll., 2012) et la détermination des allèles du rMLST peut servir à évaluer la qualité de la séquence (Low et coll., 2019). Les schémas de MLST d'E. coli historiques comprennent le [schéma à sept gènes d'Achtman] (Wirth et coll., 2006) et le [schéma à huit gènes de Pasteur] (Jaureguy et coll., 2018) qui peuvent être facilement dérivés des données du SGE.

Des analyses de variants à nucléotide simple (VNS) (aussi appelées polymorphisme mononucléotidique [SNP]) peuvent également être effectuées pour évaluer la variabilité au sein d'un ensemble de souches à un niveau similaire de résolution que celui du [wgMLST] (Petkau et coll., 2017; Nadon et coll., 2017). Il faut être prudent dans l'interprétation des résultats des VNS puisque seules les séquences du génome fondamental préservées au sein de l'ensemble de souches sont incluses dans l'analyse et que les éléments mobiles comme les phages ou les plasmides qui peuvent être absents d'une ou de plusieurs souches au sein d'un ensemble de souches étroitement liées seraient exclus de l'analyse. En outre, l'inclusion des isolats non apparentés réduira la taille du génome fondamental et, par conséquent, le pouvoir discriminatoire de l'approche. Alors que les approches fondées sur le SGE sont maintenant utilisées couramment pour la détermination des regroupements de maladies apparentées, les normes pour l'analyse et l'interprétation des résultats, y compris le nombre de VNS ou les différences alléliques nécessaires pour distinguer les souches, n'ont pas encore été établies avec certitude. Les considérations biologiques, comme les différences dans les taux de mutation parmi les souches d'E. coli, pourraient confondre la détermination des regroupements en fonction des données du SGE (LeClerc et coll., 1996; Grad et coll., 2012).

Un autre point à considérer pour la mise en œuvre des approches fondées sur le SGE est la nécessité de maintenir l'interopérabilité avec les données historiques qui peut être respectée par la prévision informatique (in silico) des données de typage. Les profils de MLST peuvent être déterminés de manière fiable au moyen d'un certain nombre d'outils (Zhou et coll., 2019; Maiden et coll., 2013; Joensen et coll., 2014). Le sérotype d'E. coli peut également être prévu en fonction des données de SGE au moyen d'outils comme ECTyper (Le et coll., 2018), [SeroType Finder] (Joensen et coll., 2015) ou à partir des mesures brutes à l'aide de la base de données EcOH (Ingle et coll., 2016). Dans les cas où des génomes fermés de grande qualité ont été produits au moyen de données de [séquençage à lecture longue], les tendances d'ECP peuvent être prédites (Babenko et Toleman, 2016). Par contre, à des fins de santé publique, les assemblages de SGE sont habituellement produits au moyen de [technologies de séquençage à lecture courte] et les tendances d'ECP sont difficiles à prédire à partir des assemblées fragmentées produites par ces méthodes. Les pipelines d'analyse du SGE d'ECVT qui sont mis en place dans les organismes de santé publique canadiens comprennent des modules pour le sous-typage à différents niveaux de résolution, y compris le [wgMLST], l'analyse des VNS, le rMLST, le MLST, la prévision des sérotypes, le profilage de la virulence et la prévision de la résistance aux antimicrobiens (RAM).

Sérotypage

En raison de son importance historique, l'interprétation du sérotype est un sujet qui doit être abordé particulièrement en ce qui a trait à la caractérisation des risques d'ECVT. Si le sérotypage n'est pas fiable pour la caractérisation des risques, il demeure important en raison de l'utilisation de la sérologie pour définir la préoccupation législative ou réglementaire d'ECVT et la nécessité à maintenir la compatibilité avec les schémas de classification historiques.

Le typage sérologique d'E. coli est fondé sur le schéma originalement élaboré dans les années 1940 par Kauffman (1947), puis modifié (Ørskov et coll., 1977), pour permettre aux souches d'E. coli de se distinguer par la liaison des anticorps aux structures antigéniques sur la surface cellulaire. Un sérotype d'E. coli est défini dans le schéma de Kauffman par trois types d'antigènes, O, H et K. L'antigène O est le polysaccharide du lipopolysaccharide de la membrane externe. L'antigène H est la protéine flagelline, qui comprend les filaments du flagelle bactérien. Les antigènes K sont différents polysaccharides capsulaires acides (Scheutz et Strockbine, 2005). Les isolats d'E. coli sont souvent désignés uniquement par les antigènes O et H, et environ 186 antigènes O et 53 antigènes H ont été déterminés (Stenutz et coll., 2006). Le sérotypage est relativement long et coûteux en raison de la nécessité d'analyser de nombreuses réactions sérologiques et de nombreuses réactions croisées. De plus, une proportion importante des souches ne peuvent pas être sérotypées, soit parce qu'elles produisent des antigènes qui ne se conforment pas au schéma de Kauffman (impossible à typer), soit parce qu'elles n'expriment pas la chaîne de lipopolysaccharide O (brute) ou la flagelline (non mobile). Pour ces raisons, le typage sérologique est remplacé par le sous-typage moléculaire fondé sur la RCP (réaction en chaîne de la polymérase) ou le séquençage (Gilmour et coll., 2007b; Iguchi et coll., 2015; Joensen et coll., 2015). Le sous-typage moléculaire peut ne pas être tout à fait analogue au typage sérologique, surtout pour le type O. L'antigène H est une protéine structurelle codée par un gène particulier, mais l'antigène O est un polysaccharide qui est le résultat de multiples gènes de synthèses et, par conséquent, les marqueurs moléculaires indirects doivent être utilisés (DebRoy et coll., 2016).

Historiquement, le sérotypage a été un outil important pour la détermination des E. coli pathogéniques en raison des caractéristiques phénotypiques limitées qui permettent de distinguer les souches pathogéniques des E. coli commensaux. La détermination des facteurs de virulence et les méthodes de détection rapide ont rendu le sérotypage redondant pour la détermination des agents pathogènes. De plus, le transfert horizontal des locus O et H met en évidence les enjeux potentiels de fiabilité de l'approche pour l'évaluation de la similarité de la souche (Ingle et coll., 2016). Toutefois, le sérotype a continué d'être utilisé comme facteur dans la détermination des ECVT ayant une importance pour la santé publique, en fonction de leur association aux éclosions ou à une maladie grave. Ce type d'analyse a été élaboré sous forme de schémas officiels, comme la classification des séropathotypes proposée par Karmali et coll. (2003).

L'E. coli O157:H7 et non mobile (NM) est le sérotype le plus courant d'E. coli pathogène signalé au Canada; il constitue 87,6 % des 20 926 isolats cliniques déclarés de 1999 à 2016 (Supplément 1*). Le sérotype des isolats cliniques d'ECVT non O157 est diversifié, avec 71 types O parmi les isolats d'ECVT confirmés déclarés au Laboratoire national de microbiologie de l'ASPC entre 1998 et 2012 (Tableau 3). Parmi les 498 isolats d'ECVT non O157, les sérotypes les plus courants étaient l'O26 (14,1 %), l'O121 (12,4 %), l'O103 (11,0 %), brut ou non typable (10,8 %), l'O111 (8,8 %) et l'O145 (3,2 %). La proportion des cas déclarés d'isolats d'E. coli des sérotypes O157:H7/NM a diminué de façon constante depuis 2009, en 2015 et en 2016 ils représentaient seulement près de 70 % des isolats (Figure 2). La diminution des cas d'ECVT O157 en tant que proportion des cas déclarés d'ECVT pourrait être une conséquence des changements au sein de l'industrie de transformation du bœuf (Pollari et coll., 2017), des souches d'ECVT auxquelles les Canadiens sont exposés provenant d'autres sources et aux changements dans les méthodes d'analyse clinique.

Aux États-Unis, comme au Canada, les sérotypes d'ECVT O157:H7/NM sont les plus souvent déclarés, ce qui représente environ de 50 % à 36 % des cas déclarés annuellement au cours de la période de 2010 à 2015 (CDC FoodNet, 2017). Comme au Canada, il y a eu une baisse de la proportion de O157:H7/NM déclarés au cours des dernières années. Aux États-Unis, un groupe de sept sérogroupes d'ECVT (O157, O26, O45, O103, O111, O121, O145) sont considérés comme étant une priorité de santé publique et ont été déclarés sur le plan législatif comme étant des adultérants de bœuf haché cru et de ses matériaux précurseurs (Gould et coll., 2013; USDA-FSIS, 2012). Il est à noter que les données du Programme national de surveillance des maladies entériques indiquent un chevauchement avec ce groupe, même si le sérogroupe O45 n'entre pas dans les dix principaux sérogroupes les plus couramment déclarés au Canada (Tableau 3).

En tant que méthode de sous-typage de faible discrimination, le sérotype indique une relation clonale potentielle entre les isolats. À ce titre, la présence d'un sérotype d'ECVT associé à des éclosions ou à une maladie grave peut être considérée comme un marqueur pour la présence potentielle de facteurs actuellement non identifiés de virulence, d'infectiosité ou écologiques, ce qui peut résulter en une probabilité accrue de maladie. Malheureusement, une telle interprétation n'est pas fiable, puisque les antigènes O et H ne sont pas des facteurs de virulence, en plus de ne pas être reconnus comme étant génétiquement liés à des facteurs qui favorisent la pathogénicité dans ECVT. De plus, il devrait être reconnu que la présence d'un sérotype qui n'a pas auparavant été associé aux ECVT entraînants de la DS et un SHU n'offre pas d'assurance que la souche ne peut causer une maladie potentiellement mortelle, comme le démontre de manière spectaculaire ECVT/EAEC O104:H4 (Beutin et Martin, 2012).

Résumé

Comme l'indique le précédent examen, un vaste ensemble de marqueurs liés à la pathogénicité potentielle des souches d'ECVT a fait l'objet d'une proposition. L'interprétation de la pertinence relative de ces marqueurs est complexe en raison des lacunes dans les connaissances et des limites des modèles expérimentaux. Le résumé qui suit indique les principaux points d'entente qui forment le fondement du consensus scientifique actuel (Groupe d'experts sur les STEC FAO/OMS, 2019; NACMCF, 2019).

  • ECVT sont des coli qui ont le potentiel de produire des souches d'E. coli vérotoxinogène qui ne possèdent pas le gène de la vérotoxine, le stx, qui ne sont pas un ECVT; même si elles possèdent le sérotype ou les facteurs de virulence accessoires associés à ECVT capable de causer une maladie grave, comme la DS et le SHU.
  • Il existe 10 sous-types établis de vérotoxine. Les sous-types VT2a et VT2d ont une plus grande association épidémiologique avec la DS et le SHU. Les sous-types VT1a et VT2c sont associés à une probabilité accrue de DS.
  • Une probabilité accrue de DS et de SHU est indiquée par la présence de facteurs de virulence qui jouent un rôle dans l'adhérence des cellules d'ECVT à l'épithélium intestinal. Voici les facteurs de virulence qui ont un rôle établi dans la colonisation intestinale :
    • le locus d'effacement des entérocyte (LEE), le gène eae;
    • l'[adhérence agglutinente (AA)], les gènes aggR et aaiC.
  • Un troisième ensemble de facteurs de virulence jouant un rôle dans la colonisation intestinale par l'ECVT, le [locus d'adhésion et d'autoagglutination (LAA)] a récemment été déterminé.
  • Une relation clonale potentielle, comme indiquée par le sous-typage, entre un isolat d'ECVT et des souches d'ECVT précédemment déclarées qui ont été isolées dans des cas de DS ou de SHU, peut être utilisée comme indicateur de probabilité accrue de maladie grave. Le sérotypage offre un sous-typage de faible discrimination et n'est pas une méthode fiable pour la caractérisation des dangers liés aux ECVT en l'absence de renseignements sur le profil génétique de virulence.
  • De nombreux marqueurs génétiques supplémentaires ont été proposés comme indicateurs du potentiel pathogénique accru d'ECVT. En raison des limites des modèles expérimentaux du processus morbide d'ECVT, la relation entre les marqueurs génétiques et la probabilité de maladie grave dépendent de la capacité de lier les données génomiques des isolats cliniques aux métadonnées sur les résultats pour les patients.